La Villa Cavrois revêt son aspect d’origine

Par meubles et tapis, la Villa Cavrois revêt son aspect d’origine 

Un article de Ludivine Razloznik paru dans La Voix du Nord le jeudi 15 septembre (édition de Roubaix), le dimanche 18 septembre (édition de Villeneuve d'Ascq) et le mardi 20 septembre 2022 (édition de Lille).



Les fauteuils verts et la table du salon ont été retrouvés à New York en 2015.


Voilà plusieurs années que le Centre des Monuments Nationaux mène une politique visant   à remeubler la Villa Cavrois à l’image de la construction de 1932, afin de mieux présenter l’œuvre complète de l’architecte.


Cette année, la table de salle à manger et trois tapis ont été restitués. 

 

Lorsque l’on déambule entre les pièces aujourd’hui, il est difficile d’imaginer la Villa Cavrois comme elle l’était lors de son ouverture au public : rénovée certes, mais vide de tous ses meubles qui semblent pourtant faire corps avec la bâtisse. Construite en 1932 pour Paul Cavrois et les siens, c’est en 1986 qu’elle est délaissée. Les meubles sont alors vendus aux enchères ou répartis dans la famille. « On a encore des traces de certains, mais d’autres meubles ont disparu », explique Alexandre Pouliguen, adjoint à l’administratrice de la Villa Cavrois.

 

La villa est laissée à l’abandon pendant plus de dix années, avant d’être rachetée par l’État en 2001 (puis léguée au Centre des Monuments Nationaux), remise en état, et ouverte au public en 2015.

 

Meublée comme en 1932

 

Mais il manquait quelque chose. La complétude entre la demeure et son mobilier n’est pas qu’une impression, puisque l’on sait que l’architecte Robert Mallet-Stevens a pensé son œuvre comme un tout. « Ce sont les meubles qui donnent l’équilibre et les fonctions des pièces, qui permettent au visiteur de comprendre la villa. » Le Centre des Monuments Nationaux (CMN) est donc en quête permanente de ce mobilier.



Si les chaises de la salle à manger des adultes sont d’origine, 
la grande table elle, a été reconstruite.

 

Le parti pris est de retrouver la villa comme elle l’était à sa construction en 1932 et pour ce faire, les photographies prises à cette époque sont une ressource précieuse puisqu’elles permettent d’identifier les différentes pièces du mobilier, de les reconstituer à l’identique quand elles ont disparu, ou de les retrouver sur le marché de l’art quand elles sont encore détenues à titre privé.

 

Une table et trois tapis pour mieux imaginer la famille

 

Lors de la restauration de la villa, les boiseries avaient déjà été recréées. La table et les fauteuils verts du salon ont été achetés à New York en 2015. D’autres meubles ont retrouvé leur place dans différentes pièces. Par petites touches chaque année, la villa retrouve son aspect d’antan. Au mois de février, c’est la grande table de salle à manger des adultes qui est venue apporter une cohérence aux neuf chaises d’origine acquises en 2018. Elle a été reconstituée à l’identique après une étude photogrammétrique.

 

Plus récemment, ce sont trois tapis qui ont retrouvé leur place grâce au concours de la fondation du groupe AG2R La Mondiale. « Ils ne sont pas d’origine, mais ils ont été refaits aux bonnes dimensions et en respectant les niveaux de gris. C’était la seule information chromatique que l’on avait alors effectivement pour la couleur, il y a une part d’interprétation », indique Alexandre Pouliguen. L’un est tissé dans la salle à manger des enfants, les autres noués, dans le salon et la salle à manger des adultes. Colorés de façon à être cohérents avec les pièces, ils permettent effectivement de mieux imaginer qu’une famille a un jour vécu entre ces murs.

 

Retrouver le mobilier, « un vrai roman policier »



Le CMN s’appuie sur des photos de 1932 pour retrouver ou restituer le mobilier d’origine. Photo Albin Salaün, 1932

 

Si tout un chacun est satisfait de voir la Villa Cavrois retrouver son aspect d’origine au fil des années, il est aussi important de souligner qu’une telle mission de remeublement revêt des allures « d’enquête, de vrai roman policier », dit Philippe Bélaval, président du Centre des Monuments Nationaux. Estimer les pièces qui sont encore manquantes est un véritable défi : « Robert Mallet-Stevens a brûlé ses archives et donc il n’existe aucun inventaire. »

 

Cela implique une veille permanente du marché de l’art, dont le CMN est tributaire pour récupérer les meubles. « Le droit de préemption existe en France, pas à l’étranger. À New York, nous étions de simples enchérisseurs. Les sites de vente en ligne sont aussi compliqués car là-dessus, c’est plus fréquent que des choses nous échappent. »

 

Heureusement, certains manifestent eux-mêmes leurs possessions, et de grandes maisons de ventes aux enchères alertent quand une pièce intéressante se présente. « Maintenant que chacun sait que l’on veut compléter la collection, c’est plus facile car on peut compter sur le concours de tout un tas de gens. »

 

La chambre jaune, prochaine à retrouver ses couleurs ?  

 

Lors de la réception pour inaugurer l’arrivée des nouveaux tapis dans la Villa Cavrois qui a eu lieu jeudi dernier, l’Association des Amis de la Villa Cavrois a été remerciée par le président du Centre des Monuments Nationaux, Philippe Bélaval, pour sa généreuse donation. Un chèque de 13 500 euros a été remis dans le but de participer à la restitution du mobilier de la chambre jaune (un projet à près de 100 000 euros). Ce chèque financera le bureau de la chambre.

 

Ces nouveaux aménagements seront sans doute pris en charge par les Ateliers de la Chapelle, comme ceux des autres pièces. Ils sont attendus pour 2023.



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