L'installation téléphonique

Dès 1932, l'installation d'un réseau de 19 postes d'inter-communication de la Compagnie des Téléphones Thomson-Houston assurait une liaison complète entre toutes les pièces de la Villa Cavrois et l'extérieur. 

A la pointe de la modernité cette installation permettait d'éviter tous les déplacements inutiles.

Il est très probable que cette villa n'a jamais renfermé le moindre poste de type 1924 ou dérivé, mais plutôt un système cohérent très élaboré de type autocommutateur téléphonique privé.

La Compagnie des Téléphones Thomson-Houston (CTTH), créée en 1915, est devenue en 1926 la Compagnie Générale de Constructions Téléphoniques (CGCT). C'était l'une des deux filiales françaises de la multinationale américaine ITT, l'autre étant LMT (Le Matériel Téléphonique), créateur du PTT 1924.

Une publicité pour la Compagnie des Téléphones Thomson et Houston. A gauche 2 modèles à cornet et à droite la version PTT24 sans colonne.


La Compagnie des Téléphones Thomson-Houston était installée au 251 rue de Vaugirard à Paris, comme le sera la Compagnie Générale de Constructions Téléphoniques


Quelques uns des postes téléphoniques de la Villa Cavrois
(agrandissements de clichés d'époque).

Ainsi que l'a voulu Mallet-Stevens, cette disposition crée une petite révolution dans les usages domestiques : pourquoi, en effet, appeler par une sonnerie, pour expliquer ce que l'on désire, et provoquer ainsi 2 déplacements au lieu d'un, alors qu'il est infiniment plus simple de donner les ordres par téléphone, ainsi qu'il est d'usage courant dans les bureaux.

En application de ce principe, l'installation sonnerie a été par contre, extrêmement simplifiée, et comporte simplement 1 bouton à chacune des portes d'entrée, et 1 à la salle à manger.


En juin 2022, un poste d'inter-communication d'origine a pu rejoindre la Villa Cavrois. Il est exposé dans la lingerie du premier étage. Ce modèle n'est toutefois pas un de ceux qui était présent en 1932, il s'agit d'une production plus tardive aux environs des années 50.



Ce combiné porte la marque CGCT (en partie effacée) de la Compagnie Générale de Constructions Téléphoniques qui a succédé à la compagnie Thomson-Houston. Ce poste téléphonique, était un des modèles les plus simple, il s'agit plutôt d'un poste utilisé seulement comme poste d'intercommunication car il ne comportait pas de cadran rotatif. Il n'était pas possible d'appeler l'extérieur. Les six boutons à bascule en bakélite permettaient de joindre différentes pièces dans la Villa Cavrois.


Le logo de la CGCT


Ce gros plan sur les touches du combiné montre qu'il était possible de joindre six pièces : le salon, le boudoir, l'office, le bureau, la chambre et le garage.


Modèles de poste dans la brochure de la CGCT de 1954


Un autre poste téléphonique a rejoint le fumoir de la Villa Cavrois depuis l'été 2022. Il s'agit là aussi d'un objet de création bien postérieure qui ne correspond nullement à l'installation présente en 1932.


Les combinés téléphoniques présent dans la Villa Cavrois à sa création étaient des postes d'intercommunication permettant de connecter les différentes pièces de l'habitation, ainsi que l'extérieur. Sur le socle différents interrupteurs et annonciateurs en faisaient de véritables petits standards.

Les écouteurs secondaires accrochés au flanc des appareils comme leurs cadrans sont d'origine française et du type employé sur les PTT 1924.

Ces appareils ne sont pas dérivés du PTT 1924. Les combinés sont clairement des BTMC (Bell Telephone Manufacturing Company, filiale belge d'ITT). Ces combinés ont été employés, entre autres, sur le BTMC 2712 qui est visible à droite sur la publicité Thomson-Houston (représenté ici avec un cadran belge), un appareil sans aucun rapport avec les PTT 1924 et très largement diffusé dans le monde.

Les combinés type 1924 n°320-2 sont de type électro-magnétique (la membrane de l'écouteur est mue par une électro-aimant).

Les combinés BTMC sont à aimant permanent et si leur silhouette est assez proche (ce qui est normal: ils en sont issus), il n'y a aucune pièce commune entre les deux. Voir ci-dessous les photos comparatives, combiné 320-2 au premier plan, combiné BTMC au second plan.



Clichés des combinés 1924 n°320-2 et BTMC © Etienne Chiffolleau

 


Les postes 1924 :

L'administration des Postes et Télécommunications (PT) avait lancé un concours le 1er mai 1922. Devenue entre temps en 1923, l'administration des Postes Télégraphes et Téléphones (PTT) le modèle retenu en 1924 s'appellera donc le PTT24. Prévu dès l'origine pour les réseaux automatique, il existait une version sur batterie locale pour les réseaux privés qui ne portait pas dans ce cas la mention propriété de l'état. Très robuste, ses caractéristiques électriques étaient excellentes avec un microphone très sensible.


Le PTT 1924 était un type administratif, produit par tous les constructeurs français (et même certains allemands vers 1930, probablement comme réparations de guerre en nature - Cf Traité de Versailles) et en tant que tel, n'était disponible qu'en deux versions, mobile et murale.

Économies d'échelle oblige, les constructeurs en ont employé divers éléments pour leurs postes privés. Aucun autre constructeur que Grammont / Eurieult ait jamais construit un " 1924 sans colonne ", et certainement pas Thomson-Houston dont l'inspiration était nettement d'origine étrangère (à peu-près le seul constructeur français à produire des téléphones à sonnerie intégrée à l'appareil).

" Prévu dès l'origine pour les réseaux automatique, il existait une version sur batterie locale pour les réseaux privés qui ne portait pas dans ce cas la mention propriété de l'état. "

Tous les postes 1924 ou apparentés, sans exception, sont des appareils à batterie centrale. Batterie locale signifie que le microphone est alimenté par une batterie présente chez l'abonné et non pas par le central (batterie centrale). Les postes à BL, en France avant la guerre, étaient les Marty 1910, modernisés en 1934 (Marty 1934) puis en 1941 (Marty 1941), et employés sur les réseaux anciens, pas sur ceux automatisés.



Le modèle PTT24, dit mobile, avec colonne, cadran 7010B et son combiné 320-2. Réalisé sans colonne ce téléphone, dans une version dite fixe, se positionnait sur un socle. La base comportait des volets d'appel ou annonciateurs (indication et mémorisation de l'appel), des clés de mise en garde et de connexion vers les autres postes, et éventuellement un branchement vers le réseau d'état.  



Le schéma du PTT24

Pour les différents téléphones présents dans la Villa Cavrois, on ne trouve pas un modèle unique mais différentes solutions adaptées à chaque situation. Chaque poste possède en partie haute un ensemble identique (le modèle PTT24 sans colonne), de fabrication standard, composé d'un cadran (type 7010B), d'un support du combiné et du combiné lui-même (référencé 320-2) posé sur un socle modulé selon l'emplacement et les besoins.

La base est une fabrication sur mesure, en bois et/ou métal, de forme et volume variable, sur laquelle est accrochée l'écouteur supplémentaire.


Le téléphone qui est exposé, dans la lingerie de la Villa Cavrois depuis juin 2022, est d'esthétique plus moderniste dans le style des années 50. Très différent des intercom de 1932, avec une base cubique et un combiné effilé à la différence de celui référencé 320-2 du modèle PTT24. Il avait remplacé après la deuxième guerre mondiale les anciens devenus obsolètes quoique très robustes, mais de technologie dépassée.


Sur ce modèle, noir et or, PTT24 avec colonne de 1924, on retrouve la même forme de combiné (ensemble écouteur et micro) que pour les différents postes intercom présents dans le Villa Cavrois en 1932. Ce Poste 1924 noir et or est une superbe restauration de pure fantaisie dans le goût américain d'avant-guerre, jamais ces postes n'ont été " or " ni " argent ", en France, toutes les parties en laiton (puisque telle est la matière visible) étaient nickelées ou peintes. La date de 1928 qu'il porte n'est pas celle de sa commercialisation, mais celle de l'appel d'offres des PTT. Il pouvait facilement se passer deux à trois ans avant que les appareils ne soient livrés, la date réelle est poinçonnée sur la plaque en aluminium à gauche de la plaque d'identification sur la base du téléphone, avec en principe un poinçon " LT " signifiant que l'appareil peut être connecté au réseau public. Ces appareils ont été produits avec quelques modifications, au moins jusqu'en 1947, donc bien après la guerre.



Cet autre téléphone, noir et argent, modèle PTT24 combiné BCI de la compagnie Thomson et Houston est également un modèle de 1924 qui était encore commercialisé en 1934 (concours et marché du 7 février 1934). Ce matériel très robuste fut utilisé jusqu'à la deuxième guerre mondiale.

L'inauguration de la Villa Cavrois en 1932 coïncide avec la mise en service au niveau de l'agglomération Lille Roubaix Tourcoing de la commutation automatique par le système R6N1 du brevet de l'ingénieur Barnay.


La société Thomson-Houston qui était une émanation des anciens établissements Postel-Vinay au 10 rue de Londres dans le 9ème arrondissement de Paris se rapprochera d'ITT.



L'usage du téléphone nécessite une notice, comme celle-ci publiée en 1932, à propos du modèle PTT24 avec cadran alphanumérique.

L'historique d'un retour
© Anita Leurent

Épisode 1 : Allô, allô ! (viendrait du Hongrois = " j'écoute " ou " j'entends " ou " bonjour " puisque (je modifie car on dirait que ça se bouscule sur la ligne) un des inventeurs ou installateurs du téléphone (1877) l'était (hongrois, vous suivez ?). Ici nous sommes en France, à Croix, à la Villa Cavrois. Et ce téléphone aurait certainement plein d'histoires à nous raconter : Je ne les connais pas mais je vais vous raconter son retour à la Villa car celle-là, je la connais... vous restez au bout du fil ?

 

Épisode 2 : Toujours en ligne ? Alors, alors ? La suite : Hé bien, la vie est bien faite car un gentil visiteur (à la Villa Neutra ! Vive les interactions) me confie avoir envie de remettre dans la Villa Cavrois cet élément qu'il avait trouvé, esseulé, par terre dans un coin du temps où celle-ci était squattée, détestée, délaissée et abîmée... Ni une, ni 2 (enfin presque) nous voilà ensemble (vous imaginez mon impatience et ma curiosité !) à découvrir pour moi ce poste " dans son jus " dans les bureaux de l'administration... C'est toujours excitant ce genre de chose... mais il a fallu être patients (presque 2 ans, le temps que l'intercommunication administrative se fasse !). Mais ça y est, voilà ce témoin du passé revenu à La Villa (depuis juin paraît-il) dans la lingerie au 1er. Un grand merci à ce donateur (ah si son initiative pouvait inspirer d'autres " emprunteurs " ;-)). Pour en savoir plus sur les téléphones, c'est par ici https://www.villacavrois.org/.../linstallation...



Clichés pris le 28 juillet 2020, lors de la restitution du poste téléphonique © Anita Leurent - Amis de la Villa Cavrois.




Les 6 boutons à bascule qui permettaient de choisir la destination de l'appel, avec de haut en bas et de gauche à droite : le salon, le boudoir, l'office, le bureau, une chambre (sans doute celles des parents) et le garage (le pavillon d'accueil du gardien à l'entrée). Il s'agit des pièces existantes dans les années 50, après les modifications consécutives aux travaux de Pierre Barbe après la deuxième guerre mondiale et le décès de Robert Mallet-Stevens.


Sur le poste téléphonique le sigle de la CGCT située au n° 251 rue de Vaugirard à Paris, dans le 15ème arrondissement.


Le poste téléphonique " dans son jus " avec les câbles.

Merci à Etienne Chiffolleau pour ses nombreuses précisions apportées à cet article en décembre 2024.