LOTHAIRE HUCKI - DETOURS
En 1927, la photographe américaine Thérèse Bonney photographiait la rue
Mallet-Stevens comme beaucoup d’autres collègues ou agences : Marc Vaux,
Chevojon, L’Illustration. Sa série se distingue par une vue quasi abstraite : une
contreplongée de l’escalier hélicoïdal de l’atelier des frères Martel, véritable
vertige architectural. Bonney signe alors par cette figure élliptique, une des vues
les plus emblématiques de l’œuvre de Mallet-Stevens. L’année suivante elle
réalise à Hyères un reportage sur la villa de Noailles, publié à de nombreuses
reprises. Son regard prend parfois des directions étonnantes (notamment
l’escalier de la piscine) tout en restant dans les lignes tracées par l’architecte.
Lothaire Hucki a été invité non pas tant à illustrer le travail de Mallet-Stevens mais
bien à dialoguer photographiquement avec lui. Il s’est tourné essentiellement
sur la Villa Cavrois, à Croix, près de Lille, nouvellement restaurée et partiellement
remeublée. Procédant par élimination, il enregistre des détails d’architecture,
des meubles, des matières, des reflets, des ombres. Un jeu de détours qui
surprend le regard et exige du spectateur un temps d’adaptation pour se situer
dans l’espace, séparer l’objet réel de l’effet d’optique. Chaque image équivaut
alors à un emballament, une précipitation ou pour user d’une métaphore
photographique : une révélation.
Cette série a été spécialement réalisée pour Mallet-Stevens, itinéraires avec le
soutien de l’association des Amis de la Villa Cavrois et l’aimable autorisation du
Centre des monuments nationaux.
villacavrois.blogspot.com
Le Centre international pour la Ville, l’Architecture et le
Paysage - ou Civa -, rue de l’Ermitage à Bruxelles, a été créé en 1999. Il
regroupe les activités de plusieurs ASBL toutes liées à l’histoire de
l’architecture et du paysage, comme les Archives de l’architecture moderne,
créées par Maurice Culot qui ont accumulé des trésors formidables sur
l’architecture belge du XXe siècle, la Bibliothèque René Pechère sur les
jardins, le centre Paul Duvignaud et le Fonds pour l’architecture.
Depuis quinze ans, le Civa multiplie les expositions, fait
connaître l’architecture au grand public, publie des ouvrages, reçoit des
chercheurs, organise des animations, etc.
Un peu plus de 10 ans après la rétrospective organisée au
centre Georges Pompidou par Olivier Cinqualbre, la villa Noailles souhaite
consacrer une nouvelle exposition à Robert Mallet-Stevens. Celle-ci a pour
ambition de joindre à la collection qu’a constitué l’association des Amis de
St-Bernard, des œuvres (meubles, dessins) empruntées à différents musées ou
institutions.
ROBERT MALLET-STEVENS – ITINERAIRES L’EXPOSITION
ETAPE 1 : Villa Noailles Hyères
1er juillet - 25 septembre
2016
Nous prendrons pour point de départ que la villa doit être
considérée non comme une simple construction parmi d’autres mais comme
l’expression d’un projet plus ambitieux qui réunit autour de l’architecte
artistes et décorateurs qui entretiennent avec lui des valeurs communes. De
Mézy à l’exposition de 1937, la villa d’Hyères entretient de nombreux
parallèles avec les autres projets qui jalonnent la carrière de
Mallet-Stevens ou de ses contemporains. Constructions réelles ou simples
spéculations de papier, ils viennent soit s’accorder soit faire contrepoint à
la villa. Ces correspondances fonctionnent comme autant de points de vue sur le
rôle de l’architecte, la définition de sa sphère d’exercice, l’influence qu’il
exerce. L’exposition se propose surtout d’interroger le travail de Robert
Mallet-Stevens : en quoi consiste « sa » modernité, quelle nécessité trouve-t-il
dans cette quête, quel apport amène-t-il à ce mouvement ? Un questionnement
toujours aussi fondamental un peu plus d’un siècle après le début de sa
carrière.
ETAPE 2 : Fondation CIVA, Bruxelles
15 novembre 2016 – 15 février 2017
15 novembre 2016 – 15 février 2017
35 ans après la publication par les Archives d’architecture
moderne du premier ouvrage consacré à Mallet-Stevens (1980), il était
logique que l’exposition fasse une étape à Bruxelles à l’automne-hiver
2016-2017. Il s’agira évidemment de revenir sur les débuts de Mallet-Stevens
et ses nombreux liens avec le milieu artistique belge. Premiers articles,
premiers dessins, premières expositions : le jeune homme construit sa pensée
esthétique à travers l’influence de la Sécession viennoise et du Japon, de
ballets russes, du style directoire. On y soulignera bien évidemment la liation avec Josef Hoffmann qui construit le
palais de son oncle par alliance Adolphe Stoclet entre 1907 et 1912 mais aussi
l’influence qu’il exerce par la suite dans ce pays.
A la fois monumentale et dépouillée, sculpturale et
dématérialisée, s’inspirant de typologie industrielle ou proposant des
détails de ferronnerie sophistiqués, l’architecture de Mallet-Stevens
interroge la forme et la fonction selon un même langage plastique. Il y a là
une affaire de rythme, de masses, de proportions et de jeux d’espaces qui sont
à chaque fois une démonstration de l’essence même de son métier. Du dessin
préparatoire à la construction, en passant par la maquette ou le meuble, le
visiteur croise différentes échelles mais aussi différents états du projet,
depuis le plan jusqu’à sa diffusion par la presse ou l’édition. En créant
des rapprochements le parcours s’élabore non autour d’une chronologie de
projets mais autour de thèmes chacun signalant un élément récurent du «
vocabulaire » du créateur.
Les deux expositions comportent à chaque fois une
sélection d’une trentaine d’œuvres graphiques originales et environ 25 pièces
de mobiliers dont certaines inédites ou rarement montrées. Avec les
photographies d’époques, les maquettes et divers documents, elles présentent
au total plus de 200 pièces. Signalons que l’exposition de Bruxelles
présentera un corpus différent de dessins et d’objets et que son découpage
thématique sera entièrement repensé.