Trônes

Remake d'un ready-made *

Si quelque esprit chagrin pouvait encore douter que la présentation à New-York en 1917 de l'œuvre attribuée à Marcel Duchamp « Fountain » - connue sous l'appellation « Urinoir » - devenue une icône incontournable de l'histoire de l'art du XXème siècle dont elle a changé le cours, nul doute que l'installation majestueuse des « Trônes » dans les plus belles pièces de la Villa Cavrois saura les convaincre que grand doit être notre respect à ce cher Marcel dont la pensée semble aujourd'hui largement rayonner dans le monde, y compris celui des monuments historiques. Ce qui ne manquerait assurément pas de le faire sourire...


" Fountain " - Marcel Duchamp (1917)


" Clic-Clac " dans La Voix du Nord








Water closet se prononce VC, les mêmes initiales que celles de la Villa Cavrois !

Nul doute que la restitution flamboyante de la Villa Cavrois et de ses décors ait été une découverte pour nombre d'amateurs dans le monde entier. On comprend qu'elle ait pu susciter les rêves et les désirs les plus fous, mais de là à ce que les marbres et les bois précieux puissent servir ostensiblement de décor pour des lieux d'aisance, majestueux certes, il y avait un pas à franchir que RMS n'aurait pu imaginer …


* Ready-made


Un ready-made, dans l'histoire de l'art, se réfère à une expérience spécifique initiée par Marcel Duchamp où un artiste s'approprie un objet manufacturé tel quel, en le privant de sa fonction utilitaire. Il lui ajoute un titre, une date, éventuellement une inscription et opère sur lui une manipulation en général sommaire (ready-made assisté : retournement, suspension, fixation au sol ou au mur, etc.), avant de le présenter dans un lieu culturel où le statut d'œuvre d'art lui est alors conféré.


Deux exemples sont La Roue de bicyclette de Marcel Duchamp où s'associent assemblage et plaisir de la roue qui tourne (deux caractères contraires à l'expérience du ready-made et La Tête de taureau de Pablo Picasso qui relève de la sculpture par assemblage.



Roue de bicyclette - Marcel Duchamp (1913)



Tête de taureau - Pablo Picasso (1942)


Dans le domaine de l'art, le terme anglais ready-made fut utilisé pour la première fois par Marcel Duchamp, en janvier 1916. 


« La Boîte verte » de Marcel Duchamp dont les documents sont datés de 1913-1915 contient une note mentionnant le ready-made, lors de son premier séjour à New York, pour désigner certaines de ses œuvres, réalisées depuis 1913. Cette année-là, Duchamp fixa sur un tabouret de cuisine une Roue de bicyclette, en même temps que, dans ses notes, il exprimait ses doutes envers l'exercice de l'art au sens habituel du terme « Peut-on faire des œuvres qui ne soient pas d'art ? ».

 

En 1914, à Paris, Duchamp avait acheté un porte-bouteilles qu'il se contenta de signer. Cet objet est généralement considéré comme le premier véritable ready-made. Roue de bicyclette étant plutôt un assemblage.



Porte-bouteilles - Marcel Duchamp (1914)

 

Les ready-mades soulèvent de très nombreuses questions. Par exemple, parce qu'ils n'ont pas été réalisés par l'artiste, ils rendent problématiques un certain nombre de concepts, voire de certitudes, concernant la définition de l'art et le rôle de l'artiste, et plus spécifiquement les notions d'original, de savoir-faire, de virtuosité et d'œuvre.

 

À partir de la fin des années 1950, certaines implications et interprétations des ready-mades ont donné une impulsion décisive à une grande partie des pratiques artistiques actuelles, qu'elles s'en réclament (comme l'art conceptuel) ou, au contraire, pour s'en défendre.

 

L'idée du ready-made est la principale contribution de Marcel Duchamp à l'art du XXème siècle. Il en était d'ailleurs conscient, déclarant dans un entretien en 1962 : « Je ne suis pas du tout sûr que le concept de ready-made ne soit pas vraiment l'idée la plus importante qui ressorte de mon œuvre. »


Fountain


L’origine de l’œuvre Fontaine de Duchamp, la plus controversée du monde.


L’histoire commence quand Marcel Duchamp veut soumettre une œuvre d’art de la période d’après-guerre au salon de la Society of Independent Artists à New York. Celle-ci se définissant comme une société « sans jury », Duchamp voulait tester cette affirmation.



Selon eux, ils acceptaient n’importe quelle œuvre d’art, à condition que l’artiste paie les frais d’inscription. Ainsi, le 9 avril 1917, il leur présente un urinoir inversé signé et daté « R. Mutt, 1917 », avec le titre Fontaine. Le conseil d’administration de la Société, confronté à ce qui devait ressembler à une farce de la part d’un artiste anonyme, a rejeté Fontaine en raison de son caractère improbable.



Duchamp, qui était lui-même membre de ce conseil, donne alors sa démission, en signe de protestation. Évidemment, il ne pouvait pas rester au sein d’un établissement si conservateur ! Sous cette anecdote, la question est posée : qu’est-ce qui constitue l’art ?