Philippe Bélaval nommé conseiller Culture de l'Elysée

Qui est Philippe Bélaval, le nouveau conseiller Culture d’Emmanuel Macron ?

Après dix années à la tête du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval, énarque proche d’Emmanuel Macron, deviendra, le 23 janvier prochain, le nouveau conseiller Culture de l’Elysée. Une consécration pour cet amoureux du patrimoine dont le bilan au CMN est aujourd’hui salué.

 

Article rédigé par Rudy Degardin France info Culture le 10 janvier 2023

 

Son mandat à la tête du Centre des Monuments Nationaux (CMN) allait s’achever en juin prochain, alors qu'il atteindrait l'âge limite de 68 ans. Pour ce proche du président de la République, devenir conseiller Culture de l’Elysée est une manière de conclure avec les honneurs une longue carrière au sein des établissements publics français.

 

Il s'agit d'un poste clé puisque, sous la présidence d'Emmanuel Macron, les décisions gouvernementales en matière de Culture se prennent généralement plus à l'Elysée que rue de Valois.

 

Un monument au service du patrimoine

 

Ce Toulousain d’origine connaît bien les rouages des établissements culturels français. A l’âge de 35 ans, il dirige l’Opéra de Paris puis en 1994, la Bibliothèque nationale de France et les Archives de France. De 2010 à 2012, il est nommé directeur général des patrimoines avant de remplacer, à la tête du Centre des Monuments Nationaux, Isabelle Lemesle contrainte de démissionner. Depuis sa présidence, le CMN, en charge de cent des plus prestigieux monuments historiques (l’Arc de Triomphe, la Saint-Chapelle, la forteresse de Carcassonne ou encore l’abbaye du Mont-Saint-Michel) peut s'enorgueillir d'accueillir plus de dix millions de visiteurs.

 

Ces dix dernières années, des centaines de chantiers de restauration ont aussi été lancés. A l’image de la restauration du château de Voltaire dans l’Ain rouvert au public en 2018 ou encore celle du monastère royal de Brou. Si le CMN a perdu la gestion du château de Chambord, transformé en établissement public, Philippe Bélaval a réussi à décrocher celle de l'hôtel de la Marine. Pour rappel, ce monument du XVIIIème, aux abords de la place de la Concorde à Paris, avait failli être transformé en complexe hôtelier de luxe sous la présidence de Nicolas Sarkozy. 

 

Quelques projets contestés

 

Si ses succès sont nombreux, certains reproches perdurent. Par exemple, l'œuvre de Felice Varini, Cercles concentriques excentriques, a laissé des marques sur les murs de la cité de Carcassonne plusieurs années après son installation.


En janvier 2021, il a aussi décidé, par l'intermédiaire du CMN, l’abattage de quatorze arbres, dont sept centenaires autour des étangs qui ont inspiré le peintre impressionniste Camille Corot à Ville d’Avray. Ce chantier, ayant pour but de consolider les berges, a malencontreusement conduit à la baisse du niveau de l’eau en aval et à l’invasion de roseaux et de vase, défigurant pour l'heure le paysage. 

 

Ce nouveau conseiller de l’ombre d’Emmanuel Macron s’est aussi fait remarquer en 2011, lorsqu’il a discrètement glissé la corrida dans l’inventaire du patrimoine immatériel de la France. Roger Lahana, vice-président du Comité radicalement anti-corrida Europe, expliquait alors dans Le Huffington Post que le classement de la corrida avait été orchestré "dans l'opacité la plus totale par une commission du ministère de la Culture, sous la houlette de Philippe Bélaval, aficionado convaincu, à l'époque directeur général des Patrimoines et surtout, membre fondateur de l'Observatoire national des cultures taurines".

 

De nombreux chantiers à venir

 

Il n’est pour l’heure pas possible de connaître précisément les missions dont il aura la charge ces quatre prochaines années. Nul doute cependant qu’il supervisera la réouverture de Notre-Dame de Paris, prévue fin 2024, ou encore l’inauguration de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts, projet cher au président de la République, est dont il a eu la charge depuis 2018.

 

Soucieux d’une meilleure valorisation des monuments historiques, il s’est aussi déjà exprimé sur la nécessité de métamorphoser l'île de la Cité et a soutenu, dans Le Parisien, le projet de la Mairie de Paris visant à réduire la circulation sur la place de l’Etoile afin de, selon lui, "donner de la majesté à l’Arc de Triomphe".


Les félicitations de l'Association des Amis de la Villa Cavrois


L'Association des Amis de la Villa Cavrois, qui a eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises au sein de la Villa Cavrois, le félicite pour cette nomination.



Le 8 septembre 2022, Paul-Hervé Parsy au nom de l'Association des Amis de la Villa Cavrois remets à Philippe Bélaval, un chèque pour la participation à la restitution du mobilier de la chambre jaune.


Philippe Bélaval était venu le 26 février 2020 lors de la passation du poste d'administrateur entre Jocelyn Bouraly et Carine Guimbard. Profitant de l'occasion pour nous annoncer la décision de restitution de la chambre-jaune, un projet qui devrait voir le jour en 2023, espérons que ce sera l'opportunité d'une dernière visite en tant que président du CMN, mais déjà avec le titre de conseiller Culture de l'Elysée.



Ci-dessus le 26 février 2020, Philippe Bélaval entouré de Carine Guimbard et Jocelyn Bouraly, lors de l'annonce de la décision de restitution de la chambre jaune de la Villa Cavrois, dans la salle à manger une pièce qui retrouvera entre temps sa table et son tapis © Jacques Desbarbieux Amis de la Villa Cavrois


Le 26 février 2020, lors du retour de la table de la chambre jaune


Le vendredi 2 décembre 2016, à la Villa Cavrois Philippe Bélaval, président du CMN, a présenté Jocelyn Bouraly, le successeur de Paul-Hervé Parsy comme nouvel administrateur de la Villa Cavrois.



Philippe Bélaval était venu, le vendredi 12 juin 2015, pour l'inauguration officielle de la Villa Cavrois


A Bruxelles, le 19 février 2015, en prélude à l'ouverture annoncée pour la mi juin, l’Ambassadeur de France en Belgique avait accueilli le président du Centre des Monuments Nationaux, M. Philippe Bélaval et de Paul-Hervé Parsy, l'administrateur de la Villa Cavrois, lors d'une présentation à la presse.



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Un article complémentaire de Didier Rykner, le lundi 9 janvier 2023, dans La Tribune de l'Art

Philippe Bélaval à l’Élysée, qui pour Versailles ?



Philippe Bélaval - Photo B. Gavaudo/CMN


Dans un article publié aujourd’hui dans Le Monde, Roxana Azimi nous apprend deux informations importantes.


La première : Philippe Bélaval quitte la présidence du Centre des Monuments nationaux qu’il aurait dû abandonner en juin car il était atteint par la limite d’âge : à 68 ans, il ne pouvait prétendre prolonger son mandat. Mais il retrouve une fonction importante puisqu’il devient conseiller culture auprès du président de la République Emmanuel Macron, un poste qui n’avait pas été pourvu depuis que Rima Abdul-Malak qui l’occupait avait été nommée ministre de la Culture.

 

Il s’agit a priori d’une excellente nouvelle. Car voilà, pour une fois, un conseiller culture qui sait ce qu’est le patrimoine, et qui a montré au cours de ses précédentes fonctions qu’il se rangeait souvent dans le camp de ses défenseurs. Ce fut notamment le cas au Centre des Monuments nationaux [1] où il a mené beaucoup de travaux, et permis de sortir par le haut du dossier de l’hôtel de la Marine. Nous renvoyons à la brève publiée lors de sa nomination en 2012 pour en savoir davantage.

 

La seconde information est que le décret soumis au Conseil d’État pour prolonger le mandat de Catherine Pégard à la tête de Versailles, dont La Lettre A avait révélé l’existence (voir l’article), s’il met effectivement en garde le gouvernement contre le risque de « détournement de pouvoir [2] » va en réalité beaucoup plus loin : l’article du Monde écrit en effet que le décret a « été rejeté ». Nous pouvons apporter quelques précisions supplémentaires.


Le Conseil d’État ne peut pas rejeter un décret - son avis n’est que consultatif. Mais celui-ci a en effet conclu, à l’unanimité de la section de l’administration en charge de donner cet avis, que ce texte est entaché d’illégalité. De plus, les raisons données pour justifier le prolongement de Catherine Pégard sont considérés comme injustifiés et qu’il n’y a pas d’« intérêt public » à celui-ci. Ces arguments étaient de trois natures, tous plus spécieux les uns que les autres : 


– il y a des travaux immobiliers en cours (et alors ? il y a toujours des travaux immobiliers en cours à Versailles, depuis le XVIIe siècle !), 

– Catherine Pégard a une grande importance pour le mécénat (le rôle d’un président d’établissement étant de trouver des mécènes, à ce titre il serait toujours impossible de remplacer un président en place [3]). 

– à l’occasion des Jeux Olympiques en 2024, le parc de Versailles sera site olympique pour les épreuves équestres et une grande partie des épreuves du pentathlon moderne (inutile de souligner l’inanité de cet argument…).

 

Le gouvernement peut, comme le disait La Lettre A, passer outre cet avis. Mais les risques sont très importants : toute personne ayant intérêt à agir, c’est-à-dire à peu près tout le monde, pourrait attaquer chaque décision prise par l’établissement public : associations, syndicats, fournisseur non retenu, candidat non retenu pour n’importe quel recrutement, et même tout simplement toute personne qui pourrait être nommée à la place de Catherine Pégard, soit n’importe quel journaliste par exemple…


Quoi qu’il en soit, comme nous l’écrivions, depuis le 1er janvier il est impossible à Catherine Pégard, sauf à être renommée (avec donc les risques soulignés plus haut), d’engager quelque budget que ce soit pour 2023. L’urgence est donc là : soit de son prolongement très risqué, soit de la nomination de quelqu’un d’autre. Espérons simplement que l’on ne tombera pas de Charybde en Scylla et qu’Emmanuel Macron poursuivra la série de nominations légitimes qu’il a assurées pour les autres grands musées : après le Louvre, Orsay et le Centre Pompidou, qui sait : un bon président pour Versailles ?

 

Terminons sur une remarque. En dehors de la valeur intrinsèque des personnes, nous avons déjà dit pourquoi les règles sont faites pour être respectées : si la limite d’âge joue pour un président d’établissement public (donc pour le CMN et Versailles), rien n’interdit à un conseiller de l’Élysée d’aller bien au-delà de l’âge de la retraite. En cela, la nomination de Philippe Bélaval est tout à fait régulière.

 

Didier Rykner


Notes

 

[1] À l’exception de deux épisodes malheureux : l’installation d’une œuvre d’art contemporain sur les remparts de Carcassonne, qui a laissé des traces, ce dont il a convenu qu’il s’agissait d’une erreur et, surtout, les travaux désastreux des étangs de Ville-d’Avray qui ont défiguré ce site…

 

[2] Dans sa première version, La Lettre A parlait d’« abus de pouvoir », mais a corrigé en « détournement de pouvoir ».

 

[3] Remarquons que sa capacité à susciter du mécénat semble un des points forts de son mandat que nous n’avions pas souligné.


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Philippe Bélaval, la culture au service de l'Etat


Un article paru le mardi 24 janvier 2023 dans Le Figaro, sous la plume de Claire Bommelaer



Le nouveau conseiller d'Emmanuel Macron à l'Élysée aura notamment en ligne de mire la réouverture de Notre-Dame de Paris.


ELYSEE 


Mystères du schéma décisionnel d'Emmanuel Macron ! 


Après avoir laisse le poste de conseiller culturel vacant pendant sept mois, le président des la République a soudainement appelé Philippe Bélaval, le mercredi 4 janvier, l'a reçu le vendredi suivant, et l'affaire s'est conclue dans le week-end.



Philippe Bélaval a orchestré la restauration de l'Hôtel de la Marine, place de la Concorde, et les panthéonisations de Simone Veil et de Joséphine Baker.


À la veille de son arrivée dans son bureau situé dans l'aile des conseillers.


Lundi il était impossible d'arracher un mot au nouveau conseiller, connu pour sa prudence légendaire. Lors des vœux de la ministre de la Culture, le 16 janvier denier, celui qui était à la tête du Centre des monuments nationaux depuis douze ans était aussi courtisé que Don Corleone. Mais il faisait le signe de la bouche cousue à tous ceux qui tentaient de décrocher la promesse d'un rendez-vous. Ceux qui le connaissaient bien pouvaient tout de même percevoir une petite inquiétude à l'idée de cette fin de carrière inattendue, dans une maison où les couteaux sont parfois affûtés.


À 67 ans, Philippe Bélaval a pourtant de la bouteille. « Vous êtes un monument parmi nos monuments », s'était amusé Emmanuel Macron, en septembre dernier, lorsqu'il avait promu le haut fonctionnaire commandeur de la Légion d'honneur, depuis le grand salon de l'Hôtel de la Marine, à Paris. On ne saurait mieux dire. Directeur général de l'Opéra de Paris en 1990, puis de la Bibliothèque nationale de France entre 1994 à 1998, il prend la tête des Archives de France, jusqu'en 2000. Passé ensuite par les cours administratives d'appel de Bordeaux, puis de Versailles, il devient directeur général des patrimoines, en 2010, avant de rejoindre deux ans plus tard le Centre des monuments nationaux.


Fort de ce parcours, Philippe Bélaval possède un solide réseau et une érudition certaine. Issu de la gauche, on l'a souvent entendu plaider, avec son accent du Sud-Ouest, pour une République forte. Féru d'histoire, il dit se battre pour la grandeur de la France.


Depuis 2010, il a vu passer une flopée de ministres de la Culture, et a toujours su rester en cour. « Il ne dit jamais non, ce qui encourage tou le monde, mais après un rendez-vous on s'aperçoit qu'il n'a pas dit oul non plus », témoigne un haut fonctionnaire qui l'a souvent pratiqué.


Sous François Hollande, il était régulièrement reçu au château. Changement de président, permanence des usages : Emmanuel Macron avait pris l'habitude de le consulter sur le patrimoine, les deux hommes partageant l'idée de monuments restaurés, générateurs d'emplois et de richesses.


« C'état un visiteur du soir, pas un homme du premier cercle, même si Brigitte Macron l'apprécie », entend-on dans l'entourage d'Emmanuel Macron.


Trois monuments, l'Hôtel de la Marine, le Panthéon et le château de Villers-Cotterêts, dans l'Aisne, ont permis au président de la République de voir ce haut fonctionnaire à l'œuvre. En 2021, et après cinq ans de travaux, Philippe Bélaval a permis à Emmanuel Macron d'inaugurer l'Hôtel de la Marine, à Paris, après avoir pensé un nouveau destin pour cet ancien garde - meuble royal que Nicolas Sarkozy voulait céder au secteur privé.


Occuper un terrain crucial


Au Panthéon, monument républicain très prisé par Emmanuel Macron, Philippe Bélaval a mis en musique les panthéonisations de Simone Veil et de Joséphine Baker, ainsi que l'entrée de Maurice Genevoix et de Ceux de 14.


Reste, devant lui, le château de Villers-Cotterêts (Aisne), destiné à devenir une Cité de la francophonie, après 185 millions d'euros de travaux. La cité devrait être inaugurée par le président avant l'été prochain, et constitue un pari - au CMN, Philippe Bélaval s'est arraché les cheveux pour trouver les moyens de la survie économique du site.


Devant lui se trouvent quelques « dossiers chauds », dont la réouverture de Notre-Dame de Paris, la gestion des festivals pendant la période des Jeux olympiques ou la question des restitutions d'œuvres d'art. Il lui faudra aider Emmanuel Macron à continuer à occuper un terrain crucial en France, avec nettement moins de moyens financiers que pendant le premier mandat, et alors que le temps va commencer à compter pour le président. Une chance pour le nouvel entrant : Rima Abdul Malak, qui connait la maison Élysée par cœur, et échange encore régulièrement avec le président par SMS, dit se réjouir de son arrivée au poste qu'elle a occupé elle-même pendant deux ans.