Affichage des articles dont le libellé est Drouot. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Drouot. Afficher tous les articles

Acquisitions fin 2018 chez Ader


Article de Céline Lefranc paru le 14 décembre dans " Connaissance des arts " 

Le 7 décembre, le Centre des Monuments nationaux a préempté quinze meubles historiques de la Villa Cavrois pour les remettre en place. Une initiative que nous applaudissons des deux mains mais qui soulève quelques questions et observations.


Lampe à poser pour le hall-salon, vers 1929-32, métal nickelé, Diam. : 34 cm, vraisemblablement éditée par la Maison Desny, peut-être d'après une idée de Mallet-Stevens ; vendue 83 200 €. Robert Mallet-Stevens, Chaise de type « Visiteur » du bureau de Paul Cavrois, 1929-32, poirier et cuir, H. 84,50 cm, vendue 38 400 €.

La grande enfilade en bois de palmier, une paire de fauteuils à oreilles, neuf chaises de salle à manger, une chaise, un tabouret de salle de bains et une lampe : quinze meubles modernistes de Mallet-Stevens provenant de la célèbre Villa Cavrois viennent d’être préemptés par le Centre des Monuments nationaux (CMN) dans une vente aux enchères parisienne de la maison Ader-Nordmann. L’idée que ces meubles retrouvent leur emplacement d’origine dès janvier, comme il nous a été indiqué par Delphine Christophe, directrice de la conservation des monuments et des collections du CMN, nous met en joie ! C’est ce que nous appelions de nos vœux dans nos articles précédents.

Mais les résultats de la vente nous ont amenés à nous poser quelques questions. D’abord, pourquoi trois meubles, un autre tabouret de salle de bains et deux valets, dont il est attesté qu’ils figuraient dans le décor de la Villa Cavrois, n’ont-ils pas été acquis par le CMN ? « Dans la présentation du monument, nous a écrit Delphine Christophe, un tabouret semblait suffisant. Nous nous sommes portés acquéreurs de celui qui présentait le meilleur état de conservation ». Et à propos des valets : « Des valets sont déjà en place dans la villa, dons des petits-enfants de M. et Mme Cavrois ». Dommage pourtant de ne pas conserver cet ensemble dans sa totalité. Peut-être y avait-il un problème de budget, car les meubles acquis par le CMN ont largement dépassé les prévisions, donc sans doute l’enveloppe allouée : estimées entre 131 000 € et 176 000 €, les quinze pièces, réunies en six lots, ont grimpé jusqu’à 322 000 €, qui seront financés grâce au fonds du Patrimoine, au fonds des Monuments historiques et aux Amis de la Villa Cavrois.

D’où la deuxième question : le CMN n’aurait-il pas eu intérêt à essayer d’acheter ces meubles directement, sans passer par la case vente publique, pour éviter la flambée des enchères ? « L’existence de ces meubles, en mains privées, était connue du CMN (…) Le CMN, en accord avec le ministère de la Culture, a fait le choix de la préemption. La négociation de gré à gré n’est pas une garantie de meilleure maîtrise des prix : l’estimation basse est rarement celle proposée lors des acquisitions de gré à gré. » Il est vrai, confirme le commissaire-priseur Xavier Dominique, en charge du dossier chez Ader-Nordmann, que « les ventes privées ne garantissent pas l’obtention d’un bon prix ». La décision d’attendre la vente aux enchères découle peut-être d’une expérience précédente du CMN, qui aurait déboursé en 2016 une somme très importante pour une table à secret provenant de la Chambre des parents de la Villa, et qui aurait préféré cette fois que le marché fixe les prix.

Autre question : comment expliquer l’engouement pour la lampe de bureau sphérique en laiton, qui a plus que décuplé son estimation haute pour atteindre 83 200 €  ? « Ce prix ne nous surprend pas. N’étant au début pas certains de l’intervention de Mallet-Stevens dans la création de la lampe, nous avions été très prudents dans son estimation. Après étude d’une photo parue en 1928, et après analyse de l’objet, notamment le trou circulaire qui se trouve sous la base, qui n’est pas sans rappeler un système mis au point pour la suspension de la Chambre de jeune homme, nous avons été convaincus de sa paternité mais n’avons pas changé l’estimation », explique Xavier Dominique. Du côté du CMN, on attribue la création de la lampe à la maison Desny, et l’on précise que l’objet a vraisemblablement été acquis par Mallet-Stevens sur catalogue. Un intéressant débat de spécialistes est donc à venir !

Dernière observation : le calendrier a été cruel. Le CMN a acquis l’original de l’enfilade en bois de palmier de la Chambre des parents dans cette vente pour 64 000 €, trois ans seulement après sa reconstitution pour l’ouverture au public de la Villa, qui a été réalisée dans les règles de l’art par les meilleurs artisans et a dû coûter un prix certain. Vraiment pas de chance.






Une vente de meubles à Drouot








Le catalogue


Un ensemble mobilier de la Villa Cavrois aux enchères raffinement et simplicité, l’art de vivre selon Mallet-Stevens

Vente le Vendredi 7 décembre à Drouot
Expert : Emmanuel Eyraud

Issue de l’une des plus grandes œuvres architecturales du XXe siècle en France, une partie du mobilier de la Villa Cavrois de Robert MALLET- STEVENS (1886-1945) sera présentée aux enchères, vendredi 7 décembre à Drouot par la maison Ader. 

Acquis en 1986 directement auprès des enfants Cavrois, l’ensemble qui réunit 16 pièces – une enfilade, une paire de fauteuils à oreilles, neuf chaises, une chaise de bureau, une lampe et une paire de valets – est estimé entre 110 000 et 170 000 €.

Trois œuvres architecturales ont marqué l’entre-deux-guerres. Aux côtés de la villa Savoye de Le Corbusier à Poissy et de la maison de verre de Pierre Chareau à Paris, figure la villa Cavrois, le « château moderne » de Robert Mallet-Stevens, construit à Croix.

Mallet-Stevens conçoit cette villa comme une « œuvre totale ». Il dessine le bâtiment, les décors intérieurs, le mobilier et le parc qui l’entoure et bâtit ainsi le plus bel exemple de sa pensée architecturale. Le dépouillement des volumes, l’absence d’ornement dans le décor, les dimensions des ouvertures, la multiplication des toits terrasses et la modernité des équipements en font l’un des chefs-d’œuvre architecturaux du XXe siècle.

Pour l’aménagement intérieur de la villa, Mallet-Stevens conjugue la simplicité avec le raffinement et le luxe avec la fonctionnalité. Il choisit la forme et les matériaux selon la fonction et le décor de chaque pièce. Dans un « bateau » en béton armé, les marbres de couleur côtoient le verre, l’acier, le métal et des essences variées de bois exotiques – chêne, zingana, acajou, iroko, poirier.


Dès le début de sa carrière, en 1907, Mallet-Stevens défend une vision moderne et rationnelle de l’architecture, à l’image des travaux de Joseph Hoffman et de la Sécession Viennoise. Dans les années 1920, il réalise des commandes pour l’industrie et le commerce et signe, en 1925, plusieurs pavillons présentés dans l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, à Paris. C’est alors que Paul Cavrois, riche industriel textile du Nord de la France, découvre le travail de l’architecte et lui confie la construction de sa demeure familiale.

La villa Cavrois n’est pas la première commande d’architecture bourgeoise à laquelle répond Mallet-Stevens. Il avait notamment réalisé la villa de Paul Poiret (1922) et la villa du Comte de Noailles (1923-28).

Contrainte de quitter la villa en 1939 – elle devient pendant la guerre une caserne militaire allemande –, la famille Cavrois s’y installe à nouveau en 1947. Mallet-Stevens ayant disparu deux ans auparavant, Pierre Barbe (1900-2004) est chargé d’opérer quelques transformations dans la demeure.


Après le décès de Madame Cavrois en 1985, la villa est vendue et le mobilier dispersé. Laissée à l’abandon malgré son classement au titre des Monuments historiques en 1990, la bâtisse est acquise par l’État en 2001. Après une importante campagne de restauration, le monument retrouve sa grandeur et le public est invité, depuis 2015, à visiter l’édifice tel qu’il avait été imaginé par son concepteur. L’intérieur est progressivement remeublé afin de reconstituer l’atmosphère qui régnait dans cette demeure familiale depuis son inauguration, le 5 juillet 1932.

Une paire de tabourets dits « Villa Cavrois » sera également proposée dans cette vente. Les deux meubles en bois laqués ivoire en forme de U renversé étaient disposés dès 1932 dans les salles de bains de la demeure. Une galerie les acquit auprès des héritiers Cavroix (dixit) en 1986. Ils entrèrent ensuite dans une collection particulière parisienne.


La Voix du Nord a repris ces informations dans son édition de Roubaix du dimanche 4 novembre 2018




Quatre ans après avoir dépensé 232 500 euros chez Sotheby’s à New York, le Centre des monuments nationaux va-t-il poursuivre le rachat du mobilier de la villa Cavrois ? Une vente aux enchères   est organisée chez Drouot à Paris le 7 décembre. 

À la fin des années 1920, quand l’architecte Robert Mallet-Stevens entreprend la construction de la villa Cavrois, il ne dessine pas seulement les plans de cette maison hors-norme (1 840 m² habitables, 830 m 2 de terrasse, 60 mètres de façade), il conçoit aussi le mobilier original. Bien plus tard, en 1986, la villa est vendue. Les meubles sont dispersés chez les héritiers et cédés à des collectionneurs pour une bouchée de pain, à l’exception d’une table de cuisine.
Ce serait un plaisir de compléter le mobilier mais je ne sais pas encore de quel budget nous disposons. 

La villa connaît ensuite une longue agonie : désossée, pillée et laissée à l’abandon par son nouveau propriétaire – un riche industriel roubaisien qui rêvait de tout raser pour bâtir un immeuble – elle ne devra son salut qu’à l’État, via le Centre des monuments nationaux (CMN), qui la rachète en 2011 et investit 23 millions d’euros dans sa rénovation avant de l’ouvrir au public en 2015.
Après douze ans de travaux, le résultat est bluffant mais le monument historique souffre de l’absence de ses meubles. Ironie de l’histoire, la cote de Robert Mallet-Stevens a décuplé dans les années 2000 et le mobilier dont il est l’auteur s’arrache désormais à prix d’or.

DÉJÀ PLUS DE 800 000 EUROS DE MEUBLES

En 2011, sept pièces du boudoir de Mme Cavrois – un fauteuil, une coiffeuse, une travailleuse, deux appliques et une paire de chauffeuses - ont été adjugées chez Christie’s à Paris pour 591 000 euros. Elles trônent désormais fièrement dans leur écrin d’origine.

Même chose pour cet ensemble de dix chaises et de deux tables, acquis par le CMN en décembre 2015 chez Sotheby’s à New York pour 252 500 dollars, soit environ 232 500 euros.

Le 7 décembre, une nouvelle vente est annoncée à Paris, chez Drouot cette fois. La maison Ader met aux enchères seize pièces de mobilier de la villa Cavrois : une enfilade, une paire de fauteuils à oreilles, neuf chaises, une chaise de bureau, une lampe et une paire de valets. L’ensemble est estimé entre 110 000 et 170 000 €.

Le Centre des monuments nationaux va-t-il se porter acquéreur de ce mobilier ? « Je n’imagine pas que nous ne soyons pas présents à la vente ou représentés, répond Jocelyn Bouraly, l’administrateur de la villa Cavrois. Ce serait un plaisir de compléter le mobilier de la salle à manger des parents mais je ne sais pas encore de quel budget nous disposons. » Il reste un mois pour trouver l’argent.