Qui était Jacques Gréber ?
Jacques-Henri-Auguste Gréber (10 septembre 1882 à Paris 15e
- 5 juin 1962 à Paris 16e) est un architecte français spécialisé dans
l’architecture du paysage et dans le design urbain. Il était un ardent
défenseur du style Beaux-Arts et un contributeur au mouvement City Beautiful,
particulièrement à Philadelphie et à Ottawa, Canada.
Fils du sculpteur Henri-Léon Gréber, petit-fils du
céramiste Johan Peter Gréber, ses oncles étaient céramistes, c’est une dynastie
d’artistes installés dans la région de Beauvais. Il est né à Paris le 10
septembre 1882. Il sera admis à l’École nationale supérieure des beaux-arts,
section architecture en 1901. Ses études et concours durent 8 ans, il obtient
le prix Rougevin en 1906 et son diplôme d’architecte en 1909.
Pour compléter ses études, au lieu d’aller à Rome pour faire
des relevés de monuments antiques, comme les grand prix de Rome, il s’embarque
pour les États-Unis. Il pense qu’il y a plus à apprendre de ce côté de ce
nouveau monde. Il a un grand talent de dessinateur, quelques dessins publiés le
montrent, et les Américains apprécient beaucoup, à cette époque là le style de
rendu des projets français. C’est ce qu’ils appellent le style « Beaux-Arts ».
En France, ce terme n’a pas la même signification, il signifie plutôt
académisme voire « pompier ». Or, les œuvres d’architecture de Gréber sont bien
dans leur temps, il adhère au style moderne dès les années trente, ses
réalisations architecturales sont là pour le montrer.
Il une carrière très originale
d’architecte-paysagiste-urbaniste franco-américain. Sa notoriété est plus
grande en Amérique du Nord qu’en France.
Il dessine d’abord beaucoup de jardins privés aux États-Unis
pour des clients comme Clarence Mackay (1910, Harbor Hill à Roslyn (Long
Island), New York, Joseph E. Widener (1913, Lynnewood Hall avec Horace
Trumbauer), et avec Edward T. Stotesbury à Wyndmoor, Pennsylvanie (1914 –
1916).
En 1917, la ville de Philadelphie lui confie la maîtrise
d'œuvre du Fairmount parkway. Ce large espace voulu depuis plusieurs années,
mélange les circulations aux jardins et aux immeubles autour d’un axe
principal, percé en diagonale du plan en damier de la ville, longue de 1,2 km.
C’est une de ses œuvres majeures, il se nomme ensuite Benjamin Franklin
Parkway. Il relie l'hôtel de ville et la gare au grand parc Fairmount. Le fond
de la perspective est occupé par le Musée de la ville (Philadelphia Museum of
Art), qui se détache sur les frondaisons du parc. En 1929, avec son confrère
français Paul Philippe Cret, ils réaliseront le Rodin Museum sur ce site
prestigieux, où la plupart des monuments de la ville sont présents.
Il est chargé de deux missions par le commissariat des
affaires de guerre franco-américaines, l’une pour étudier les méthodes et
techniques de construction aux États-Unis, l’autre pour l’aide technique. Après
10 années de travail et d’observations, il revient en France et publie en 1920,
chez l’éditeur Payot un livre : L’Architecture aux États-Unis. En sous-titre :
Preuve de la force d’expansion du génie français, heureuse association de
qualités admirablement complémentaires. De nombreuses illustrations donnent une
lecture complémentaire de son sujet. Son ouvrage aura du succès, et sera le
début de sa renommée en France. Il fera une conférence sur ce sujet à La
Société des Architectes du Gouvernement (SADG) à Paris, et développera
particulièrement le thème de l'économie de main-d'œuvre par la répétition de
modules.
Cette même année 1920, il est appelé à enseigner à l’École
des hautes études urbaines, qui deviendra en 1924 l'Institut d'urbanisme de
Paris. Il enseignera jusqu’à sa mort à 80 ans. Toujours en 1920, il gagne le
concours d’embellissement et d’extension de Paris pour l’aménagement des
terrains de la ceinture fortifiée, et avec son confrère Cordonnier, il gagne le
concours pour le plan d’aménagement et d’extension de la ville de Lille.
En 1922, il participe comme architecte paysagiste à
l’ordonnancement de 4 cimetières américains en France : Fère-en-Tardenois
(Aisne), Bois-Belleau (Aisne), Suresnes (Hauts-de-Seine) et
Romagne-sous-Montfaucon (Meuse). En 1924, il est nommé Rapporteur de la
Commission supérieure d’aménagement et d’extension des villes.
Il a atteint une grande maîtrise dans l’art des jardins.
Entre les deux guerres, il aura l’occasion d’exercer ce talent dans plusieurs
propriétés. Il sait aussi bien restaurer des jardins anciens, celui de la villa
Marlia en Toscane, en créer de nouveaux sur la côte d’Azur : ceux de la villa
Altana pour la famille Wesweiller à Antibes, à Grasse les jardins du château de
Malbosc et ceux de la bastide Saint-François, une reprise des jardins de la
villa Eilen roc au cap d'Antibes, et les jardins de la villa Espalmador au cap
Ferrat. Au Portugal, pour la Casa de Serralves à Porto, il crée un jardin très
moderne, exemple de jardin de la période Art Déco, très lié à l’architecture de
Marques da Silva, les parties minérales sont traitées en rose dans la même
couleur que la villa, les aménagements intérieurs sont confiés aux meilleurs
artistes de l’époque, Lalique pour les verreries, Leleu pour la décoration, et
Rulhmann pour le mobilier. L’ensemble montre une parfaite intégration des Arts
de construire dans un style commun.
Sa manière d’appréhender l’urbanisme est originale. Il tient
compte de ce qu’il a appris aux États-Unis qui mettent toujours des parcs, des
jardins dans les extensions urbaines. C’est une tradition anglo-saxonne. Il
étudie minutieusement la ville existante, son climat, sa géographie, son
histoire, le caractère de ses habitants, son paysage et propose des extensions
en les reliant à l’existant, par des parcs, et des promenades. C’est une méthode
appliquée souvent aujourd’hui. Il est à l’opposé des urbanistes français,
adeptes de la charte d’Athènes qui veulent tout détruire pour faire neuf. En
France, après la Seconde Guerre, il n’a pas participé aux plans de
reconstruction et à partir des années soixante, on a construit avec ces
principes, sur des terrains à l’extérieur des villes, des groupes d’habitations
importants, compacts, sans lien avec la ville, générant des problèmes de
transport, d’équipements urbains, et d’isolement. Ce sont aujourd’hui nos
banlieues.
Le parcours de Jacques Gréber au moment de la conception de la Villa Cavrois
Il est intéressant de situer l'influence de Jacques Gréber au moment où il est contacté par Paul Cavrois pour la construction de sa villa.
En 1925, à Roubaix, l'école de plein air ouvre à proximité du parc des Sports sous
l'impulsion du maire, Jean Lebas. C'est la première du genre d'un architecte partisan
d’une fusion entre ville et nature.
Ces constructions font état d'une pensée
forte : le sport et les espaces naturels ont pour vocation de
compenser non seulement les insuffisances physiques mais aussi
les retards intellectuels et scolaires qu’elles ont pu engendrer.
Les nuisances des industries sur la population sont reconnues.
Le parcours de Jacques Gréber au moment de la conception de la Villa Cavrois
Il est intéressant de situer l'influence de Jacques Gréber au moment où il est contacté par Paul Cavrois pour la construction de sa villa.
Son activité continue d’urbanisme en France, ne l’empêche
pas de répondre à d’autres commandes. En 1931, il est chargé de section
américaine de l’Exposition coloniale à Paris. Il compose le plan d’urbanisme de
la ville de Saint-Joseph dans le Missouri aux États-Unis, il est conseiller au
Plan régional de 3 États : Delaware, Philadelphie et Pennsylvanie.
Il publie, en 1935, chez l’éditeur Edari à Strasbourg,
Quelques réalisations de Jacques Gréber avec 58 Illustrations.
1937, il est l’architecte en chef de l’exposition
internationale des Arts et Techniques à Paris. Cette exposition, comme les
autres expositions universelles, laissera des traces importantes dans la ville.
Le Trocadéro récemment reconstruit par l’architecte Carlu, s’ouvre largement
sur la vue de la tour Eiffel. Les jardins du Trocadero, descendent de part et
d’autre de grandes fontaines, vers la Seine seront dessinés par Gréber.
La
couverture du train d’Orsay à Versailles, devient une promenade arborée sur 2
km appelée aujourd’hui « la promenade d’Australie ». Les jardins du Champ de
Mars gagneront 10 hectares en déplaçant d’anciens bâtiments du mobilier
National, qui seront reconstruit aux Gobelins par l’architecte Perret. Plus
tard, Gréber dessinera devant ce bâtiment le Parc Kellermann. Perret construira
aussi le Palais des Travaux Publics place d’Iena. Le musée d’Art Moderne sera
construit par l’architecte Dondel sur le Quai de Tokyo.
En 1938, il est promu officier de la Légion d'honneur, en
1939, il sera nommé Architecte Conseil de l’Exposition internationale de
New-York.
1945 – 1950. Il est appelé une nouvelle fois par le Premier
Ministre canadien pour dessiner le plan de la capitale Ottawa, ainsi que le
plan directeur régional. C’est une grande œuvre. Gréber a laissé des plans mais
aussi une méthode originale de leur application. Il participe à la création
d’un Comité d’aménagement de la capitale, une instance de dialogue sur
l’application et l’évolution du plan, indépendante du pouvoir des élus locaux.
1950 – 1960. Il est nommé urbaniste – Conseil pour le
réaménagement des villes de Québec et Montréal. Son fils Pierre, architecte,
lui succède, ensemble ils construiront le premier immeuble de bureaux du
quartier de la Défense pour la compagnie Esso, en 1961. Cet immeuble de verre
en murs-rideaux de 12 étages, proche du CNIT sera le premier à être démoli pour
céder la place à des tours beaucoup plus hautes posées sur une grande dalle.
Gréber a laissé des archives à la SADG (Société des
Architectes du Gouvernement). Ses œuvres sont toujours là pour témoigner de son
activité, des documents dans les villes où il a travaillé, il a écrit quelques
livres, et de nombreux articles. Dans les revues spécialisées, l’Architecture
d’aujourd’hui ou Urbanisme, beaucoup d’articles traitent de son travail et de
sa pensée. La base de données Mérimée, dépendante de la conservation et de
l'inventaire du patrimoine, sous la Direction du ministère des Affaires
culturelles a rédigé 61 fiches concernant ses œuvres en France.
Les œuvres de Jacques Gréber
Il est surtout connu pour le plan directeur du Benjamin
Franklin Parkway à Philadelphie, en 1917, pour son travail de maître architecte
de l’Exposition internationale des Arts et Techniques dans la Vie moderne de
Paris en 1937, et pour les plans d’Ottawa et de la Région de la capitale
nationale (Canada) sur lesquels il a travaillé de 1937 à 1950 (avec une
interruption durant la guerre).
Il a été aussi l'idéateur au début des années
1950 du concept de l'avenue McGill College, artère prestigieuse de Montréal
(Canada).
En France, il a travaillé entre autres sur les plans urbains
de Lille, de Belfort, de Marseille (1930), d’Abbeville et de Rouen, entre les
deux guerres, mais il n’est pas aussi connu aujourd’hui en France qu’en
Amérique du Nord.