Un palais des années 30


Près de Lille, entrez dans un palais des années 1930

La Villa Cavrois, proche de Lille, entièrement dessinée par Robert Mallet-Stevens, renaît après des années de décrépitude. Ouverture au public le 13 juin.

Choc esthétique assuré en entrant dans la Villa Cavrois à Croix, près de Lille. Ce palais des années 1930 ouvrira ses portes au public le 13 juin. La bâtisse aux lignes étirées a été dessinée par le célèbre architecte Robert Mallet-Stevens pour une riche famille du Nord, le couple Cavrois et leurs sept enfants. L'ensemble a été conçu de manière cinématographique : l'on arrivait en voiture, en découvrant peu à peu le bâtiment dans toute sa longueur, de près de 60 m, comme dans un travelling. "D'une audace extraordinaire", selon Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, qui possède la demeure, ce paquebot en briques jaunes a connu un destin digne d'un scénario hollywoodien.

Construite "pour une famille vivant en 1934", comprenant "air, lumière, travail, sport, hygiène, économie", la villa a été inaugurée par un fastueux mariage, avec lâcher de fleurs depuis un aéroplane. Pendant la guerre, la Wehrmacht occupe les lieux, et laisse le site saccagé… Après-guerre, la famille revient et divise la maison en trois appartements. En 1987, les enfants Cavrois la vendent.

Squattée pendant quinze ans

Le nouveau propriétaire veut la détruire et lotir le domaine situé dans le "Berverly Hills de Lille". Mais une association soutenue par Norman Foster et Renzo Piano réussit à faire classer cette œuvre d'art totale. En effet tout, jusqu'aux meubles, avait été conçu par l'architecte dans un "luxe austère", mixant lignes géométriques et matériaux nobles comme le marbre et les bois précieux. Ne pouvant réaliser ses projets, le propriétaire la laisse partir à la dérive. Pillé, squatté par des fêtards pendant presque quinze ans, l'ancien palais moderniste ne coulera pas : l'État le rachète en 2001. Douze ans de travaux plus tard – pour 23 millions d'euros –, voilà la villa restaurée dans son état de 1932. "La carcasse était sauvable, raconte Paul-Hervé Parsy, administrateur de la villa. On a trouvé des traces de tout, des planchers, des différents types de marbre, des couches de peinture."

Christine Jouret, l'une des petites-filles de Paul Cavrois, se souvient. "C'était un château du XXe siècle, où la vie était agréable mais dans le quartier, ce style avant-gardiste était mal vu : on l'avait surnommé le "péril jaune"! Le public va en découvrir la grande beauté novatrice."


Marie-Anne Kleiber - Le Journal du Dimanche