Inaugurée aujourd’hui à Croix après 12 ans de travaux, la Villa Cavrois revient de loin. Sa rénovation a coûté 23 millions d’euros à
l’État. Gabegie ou investissement ? On
a pesé le pour et le contre.
OUI.
Parce que c’est un chef-d’œuvre architectural du début du XX
e siècle. Voulue par l’industriel roubaisien Paul Cavrois, la villa est une
œuvre d’art totale sortie de l’imagination d’un seul homme, l’architecte
parisien Robert Mallet-Stevens. Il a tout conçu et dessiné : le bâtiment, les
jardins, le mobilier et les accessoires jusqu’aux poignées de portes. « C’est
exceptionnel dans l’univers des monuments historiques, remarque Philippe
Bélaval, le directeur du centre des monuments nationaux (CMN) qui a mené la
rénovation. Mallet-Stevens est un artiste unique. » Impossible dans ces
conditions de rénover à l’économie « ou alors ça n’aurait pas eu beaucoup de
sens ».
OUI.
Parce que le chantier de restauration a fait travailler une
quinzaine d’entreprises, dont plusieurs de la région, et 270 compagnons.
Paul-Hervé Parsy, l’administrateur du site, schématise : « L’argent dépensé n’a
fait que transiter des poches des entreprises et des particuliers qui ont payé
leurs impôts, aux poches des entreprises et des personnes qui ont travaillé sur
le chantier. »
OUI.
Parce que la villa est aussi une petite entreprise. Seize
personnes ont été recrutées pour assurer l’accueil des visiteurs, l’entretien
et la sécurité du site, et la tenue de la librairie/boutique. L’équilibre
financier ne sera pas atteint malgré les entrées payantes, le CMN va donc
financer le site à partir de ressources ponctionnées sur d’autres monuments
plus rentables, le Mont-Saint-Michel ou l’Arc de Triomphe par exemple. On
appelle ça la péréquation.
OUI.
Parce que des retombées locales liées au tourisme sont
attendues. Le Centre des monuments nationaux espère à terme accueillir 35 000
visiteurs par an. « Au début, on atteindra cette fréquentation en six mois »,
affirme Paul Hervé-Parsy. Les Européens du Nord, très friands d’architecture,
sont déjà annoncés par centaines.
NON.
Parce que les 23 millions d’euros investis par l’État
auraient évidemment pu servir à autre chose. La Villa Cavrois est située à
quelques centaines de mètres seulement de Roubaix, l’une des villes les plus
pauvres de France.