Un entretien, radiodiffusé par La Tribune de l’Art, le jeudi 15 mai 2014, de Didier Rykner avec Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux. Une partie, retranscrite ici, est consacrée à la Villa Cavrois.
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Didier Rykner : Philippe Bélaval, parlons de plusieurs monuments.
Il y a beaucoup de bonnes nouvelles dans le patrimoine. Le Centre des monuments
nationaux, c’est par exemple la Villa Cavrois de Mallet-Stevens, dont on sait
hélas qu’elle a été longtemps laissé à l’abandon, et que vous êtes en train de
restaurer.
Philippe Bélaval : Sauvée d’un cheveu, sauvée d’un
cheveu grâce à l’intervention de l’Etat.
D. R. : L’Etat l’avait acheté ? Comment çà s’est
passé ? L’Etat l’avait depuis longtemps ?
P. B. : Non, non. Il y avait eu une longue période
obscure, pendant laquelle la villa a été squattée, pillée et proche de la
destruction. L’Etat notamment sous la pression d’une association de défense,
particulièrement active, à laquelle on doit être très redevable en l’occurrence.
L’Etat évidemment s’est quand même inquiété du sort. Il a
commencé par proposer aux collectivités territoriales de le faire. Et puis
celles-ci ont tardé et donc l’Etat pour sauver la villa l’a acheté.
D. R. : On est assez critique à la Tribune de l’Art
contre l’Etat pour dire tout ce qui est bien. C’est une chose absolument
merveilleuse, je ne l’ai pas visité moi-même, mais je sais que c’est absolument
formidable.
Dans quelle état elle était quand vous l’avez retrouvée ?
P. B. : Elle était dans un état absolument pitoyable,
avec les décors arrachés.
D. R. : Comment avez-vous fait, vous avez été obligé de
reconstituer ?
P. B. : Exactement,
On reconstitue l’état de 1932. Parce qu’il faut dire, entre
temps, à la suite du décès des premiers propriétaires et commanditaires de la
villa, elle avait été découpée entre leurs héritiers en plusieurs appartements.
Et notamment le grand salon central avait été entresolé et ce qui fait que ses
proportions absolument remarquables prévues par Mallet-Stevens étaient
dénaturées.
Donc nous le remettons dans l’état de 1932, et les visiteurs
vont pouvoir se rendre compte du travail accompli parce que nous avons décidé
de laisser une pièce dans l’état dans lequel l’Etat a racheté le monument,
c’est à dire une pièce à l’état de ruine.
D. R. : Vous savez qu’on est toujours un petit peu précautionneux
sur les reconstitutions.
P. B. : C’est à dire qu’il y a des éléments qui sont
restés complètement, parfaitement en l’état et qui ont miraculeusement été
sauvés et c’est en particulier le cas des sols, des parquets. Donc nous allons
restaurer les parquets et la restauration est tout à fait spectaculaire, tout à
fait remarquable.
Par contre il y avait par exemple des décors dans la salle à
manger de plaques de marbre qui avaient été arrachées. Nous avons retrouvé le
gisement de marbre, la carrière de marbre. Et donc, on a pu refaire des plaques
à l’identique, dans une très grande fidélité à l’origine.
Et puis d’autre part, il y avait comme c’était très fréquent
dans les années des arts déco, il y avait tout un tas de meubles (canapés, bibus,
sofas, etc) qui étaient intégrés aux murs eux-mêmes. Des immeubles par
destination autour de la cheminée, des banquettes, etc. Et donc cela nous l’avons
reconstitué, parce qu’il y a une couverture photographique extrêmement riche
qui avait été faite. Et on a des sources extrêmement fiables.
Par ailleurs le CMN a acheté un certain nombre de meubles ou
d’objets provenant de la villa. Pas énormément parce que malheureusement ils
sont peu fréquents sur le marché et ils sont en des mains publiques ou privées,
en France ou à l’étranger. Enfin on a racheté un certain nombre d’objets. Assez
récemment une statuette qui était dans le salon. Un donateur, très généreux,
vient de nous donner les placards de la cuisine. On va quand même …
Vous savez que pour les Journées du Patrimoine on a fait une
sorte de pré-ouverture du parc qui a été restauré. Le résultat est je trouve,
je suis peut-être mal placé pour le dire, mais je le trouve éblouissant de
beauté.
D. R. : L’ouverture définitive ?
P. B. : Dans un an, printemps 2015.
D. R. : Et bien, nous y serons.
P. B. : J’espère bien, et de nombreux auditeurs avec
vous.