La Villa Cavrois à Croix : un château moderne du XXe siècle
Publié dans La Voix du Nord le 18 juillet 2016 par Étienne
Bracq
Treize mois après son ouverture, la Villa Cavrois connaît un
succès au-delà de toute espérance, plus de 155000 visiteurs contre à peine 35
000 espérés. Découverte d’un château moderne digne d’une construction du XXIe
siècle.
L’ancienne maison du gardien nous attire vers la Villa
Cavrois : 1800 m2 habitables, un parc à la française et des matériaux de luxe.
Tellement avant-gardiste que son année de construction – 1932 – nous fait
réagir. Pourtant, rien ne destinait à la construction de cette villa. Paul
Cavrois industriel roubaisien du textile n’était ni passionné d’architecture,
ni collectionneur d’art. Juste animé par le désir de vivre dans un « cadre de
vie sain, confortable et moderne », tout en évitant le style « néo-régionaliste
». Sur ces critères, la famille Cavrois laisse carte blanche à l’architecte
parisien Robert Mallet-Stevens. Seule contrainte, le budget, qui restera
inconnu.
La visite se poursuit au fil des briquettes jaunes qui
entourent la villa et nous amènent dans le vestibule. Notre regard est guidé
vers le salon : avec sa hauteur de plafond, sa cheminée en marbre et surtout
les immenses baies vitrées qui donnent sur le jardin.
Ici, comme dans toutes les pièces de la Villa, pas de
lustres mais des boîtes à lumière. Et ce n’est pas le seul détail de modernité.
De nombreux visiteurs sont attirés par les trois robinets qui surplombent
l’évier (eau froide, eau adoucie et eau chaude). Ou encore par les enceintes
encastrées, l’ascenseur, le monte-plats.
À l’étage, un visiteur, surpris par la douche à l’italienne,
dit à sa voisine : « Mais j’ai la même chez moi ! » Eh oui, Mallet-Stevens
avait presque un siècle d’avance sur les constructions actuelles.
Un passé douloureux
Nous sommes en 1932, la famille Cavrois prend possession des
lieux, mais le déménagement ne sera que de courte durée. La Seconde Guerre
mondiale oblige les Cavrois à quitter la Villa, les troupes allemandes y
prennent leurs quartiers. En 1947, les Cavrois retrouvent leur propriété endommagée.
L’industriel décède en 1965 et son épouse, Lucie Vanoutryve en 1985. Les
enfants décident de vendre la bâtisse à un promoteur immobilier. Un projet de
construction de six immeubles essaie d’émerger, mais le permis de construire ne
sera jamais accordé. Le groupe immobilier laisse alors la demeure en péril :
les lieux sont pillés et squattés.
En 2001, l’État récupère les clés de la Villa en état de
ruine. Des tôles remplacent les fenêtres, des arbres poussent sur les terrasses
et les plafonds. Une chambre non restaurée témoigne encore du désastre subi.
La restauration ne sera pas un long fleuve tranquille. Et
pour cause, toutes les archives de Mallet-Stevens sont détruites – à sa demande
– après sa mort. Les meubles ont été vendus ou pillés. La rénovation s’est
faite uniquement sur la base de photos monochromes, de quelques traces de
peintures ou de trous dans le sol indiquant les dimensions de la moquette. Une
restauration qui a nécessité treize années de travaux et un chèque de 23
millions pour retrouver l’état d’antan. Remarquable.