La Villa Cavrois restituée dans son état d’origine
La célèbre demeure réalisée dans les années 1930 par
l’architecte Mallet-Stevens à Croix (Nord) retrouve petit à petit ses décors
disparus, avant son ouverture au public en juin prochain.
Détruite à petit feu pendant treize ans à la suite d’un
abandon (1988-2001), la villa Cavrois renaît aujourd’hui de ses cendres après
trois ans de travaux de rénovation intérieure (2012-2015). Cette résidence
privée de 1840 m², conçue et réalisée entre 1929 et 1932 par l’architecte
Robert Mallet-Stevens (1886-1945) pour une riche famille industrielle du Nord,
à Croix, ouvrira au public à partir du 13 juin prochain. « Nous estimons le
nombre de visiteurs à 70 000 la première année pour découvrir ce monument du
style Art Déco », indique Philippe Belaval, président du Centre des monuments
nationaux. Le CMN, qui a assuré la restauration du parc et des intérieurs de la
villa, est chargé de mettre en valeur ce patrimoine moderne du XXe siècle,
classé monument historique en 1990 et acquis par l’Etat en 2001 (*). Une
première campagne de travaux avait été effectuée par la Direction des affaires
culturelles du Nord-Pas-de-Calais, notamment le clos et le couvert en 2003.
Œuvre d’art totale
D’ordinaire, le Centre des monuments nationaux préserve le
patrimoine existant. Or là, il avait en grande partie disparu : le mobilier
avait été vendu et les décors vandalisés. « Il nous paraissait évident qu’il
fallait restituer l’image exacte de la villa avec ses meubles qui faisaient
partie intégrante des murs afin de comprendre à quel point il s’agissait ici
d’une œuvre d’art totale », explique Danièle Déal, directrice de la
conservation des monuments et des collections au CMN. Le chantier intérieur,
d’un montant de 14 millions d’euros, a mobilisé 230 ouvriers issus de 18 corps
de métiers différents, dont la maçonnerie, la plâtrerie, la marbrerie, le
parquet, les luminaires, l’horlogerie, la menuiserie, la peinture décorative, la
menuiserie métallique, le chauffage central, l’électricité, l’ascenseur, la
plomberie et les sanitaires.
Témoignage du ravage
« Nous avons remis en état ce qui pouvait l’être et
reconstitué ce qui manquait, à l’aide d’une iconographie abondante, des descriptions
détaillées de Mallet-Stevens et des sondages de peinture sur place », précise
Danièle Déal. C’est ainsi, par exemple, que la salle à manger a retrouvé ses
revêtements muraux en marbre vert veiné de Suède, ses meubles suspendus en
poirier noir vernis ou encore ses caches radiateurs en acier chromé. «
Toutefois, nous avons laissé une pièce dans l’état ravagé dans lequel nous
l’avons trouvée pour témoigner auprès des générations futures du travail
archéologique effectué », a souligné la directrice de la conservation des
monuments et des collections au CMN. C’est aussi une manière franche de
dénoncer les ravages que peut entraîner parfois un manque de considération du
patrimoine.
(*)
A noter que l’Association de sauvegarde de la villa Cavrois, créée en 1990 pour
faire pression sur les autorités culturelles et politiques afin qu’elles
assument la protection de la demeure, deviendra l’Association des amis de la
villa Cavrois en juin 2015.
Galerie
de photos
©
Milena Chessa / Le Moniteur.fr
Photo
1
La villa de 1840 m², entourée d’un parc de 17 600 m², se
reflète à nouveau dans le miroir d’eau de 72 mètres de long qui avait été
comblé pendant la Seconde Guerre mondiale par l’armée allemande.
Photo 2
« Air, lumière, travail, sports, hygiène, confort, économie.
» Tels étaient les éléments du programme de cette riche demeure familiale
réalisée entre 1929 et 1932 par l’architecte Mallet-Stevens (1886-1945). Une
piscine extérieure longue de 27 mètres borde l’habitation.
Photo 3
Les espaces de réception et de vie privée sont répartis dans
deux volumes parallélépipédiques, bâtis à l’ouest et à l’est d’une tour
cylindrique qui contient un ascenseur de Jean Prouvé et un escalier en marbre.
La façade principale s’étire sur 60 mètres.
Photo 4
Les occupants de la villa Cavrois disposaient de 830 m² de
terrasses exposées au sud pour profiter de l’air et du soleil. Les couloirs de
distribution sont, eux, disposés côté nord. Le parement extérieur en brique
jaune a été spécialement fabriqué pour le lieu.
Photo 5
A l’étage de l’aile ouest, la chambre des garçons n’a
volontairement pas été rénovée pour témoigner de l’état de délabrement du
bâtiment avant les travaux. Les planchers et les poteaux sont en béton armé ;
tandis que les murs sont en brique.
Photo 6
La salle à manger a retrouvé son aspect d’origine avec ses
revêtements muraux en marbre vert veiné de Suède, ses meubles suspendus en
poirier noir vernis, ses caches radiateurs en acier chromé, son éclairage
indirect et son plafond en staff.
Photo 7
Une alcôve près du foyer, habillée de marbre de Sienne.
Photo 8
Dans le vestibule sont exposées trois des quatre appliques
aux cerceaux en aluminium poli créées par Jacques Le Chevallier et René
Koechlin. La quatrième applique a été restituée à partir de l’étude des
appliques d’origine.
Photo 9
Entièrement recouverte de marbre, la luxueuse salle de bains
disposait d’une baignoire, d’une douche multi-jets, d’un pèse-personne et de
multiples étagères pour les parfums et le linge de toilette de madame Cavrois.
Photo 10
Avant l'ouverture au public le 13 juin 2015, les travaux se
poursuivent dans la salle de jeu des enfants, qui pouvait également servir de
petit théâtre avec son estrade à rambarde amovible et son rideau de scène.
Seule difficulté pour les archéologues du patrimoine, retrouver la couleur rouge
des murs à partir de photos en noir et blanc…