On sait que Paul Cavrois qui cherchait à construire une habitation pour loger sa famille avait acquis un terrain sur les hauteurs de Beaumont. Progressivement la superficie va être étendue avec de nouveaux achats.
Le projet qui est conçu fait appel à Jacques Greber, un architecte reconnu, qui établit des plans. L'image est celle d'une construction assez classique pour l'époque.
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Le projet de Jacques Greber pour la Villa Cavrois
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Pourquoi et comment ce premier projet de Jacques Greber, pour la Villa Cavrois, est-il abandonné ?
C'est certainement suite à la première rencontre avec Robert Mallet-Stevens que Paul Cavrois change d'avis. Il faut admirer son côté précurseur quand on compare les deux maisons.
L'histoire retient que c'est en voyant la maquette du pavillon de l'aéro-club que Paul Cavrois a eu cette idée. Cette maquette avait été conçue en 1922. On sait que Paul Cavrois avait eu l'opportunité d'aller visiter l'exposition des Arts Décoratifs à Paris en 1925. Le pavillon des industries textiles de Roubaix Tourcoing qui était présent, et qu'il serait allé voir à juste titre, avait juste devant son entrée les arbres cubiques des frères Martel. Paul Cavrois a certainement vu ces réalisations ainsi que le pavillon du Tourisme.
Ci-dessus : le Pavillon du Tourisme de Robert Mallet-Stevens, en 1925, à l'Exposition des Arts Décoratifs à Paris et ci-dessous : le pavillon des industries textiles de Roubaix Tourcoing à l'Exposition des Arts Décoratifs de 1925 à Paris, avec les arbres cubistes des frères Martel.
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Le choc entre ces constructions et leur environnement a sans doute était le même pour l'industriel textile que celui que l'on peut éprouver maintenant en juxtaposant les plans de la Villa Cavrois d'après Jacques Greber ou Robert Mallet-Stevens.
On sait aussi que Paul Cavrois avait auparavant accompagné l’architecte lors de voyages
à Bruxelles pour découvrir le Palais Stoclet (photo ci-dessous), conçu par Joseph Hoffman pour
son oncle, et à Hilversum en Hollande pour examiner l’hôtel de ville,
dessiné par Wilem Marinus Dudok (1884-1974), qui sera une source majeure
d’inspiration pour la villa Cavrois.
Robert Mallet-Stevens esquisse en 1929 les premiers dessins et
conçoit une œuvre d’art totale, pensée comme un manifeste de ses
préoccupations tant esthétiques que techniques. Paul Cavrois lui donne son
accord pour travailler dans cet esprit moderniste et géométrique, et pour
utiliser des briques de parement jaunes. Si la brique jaune reste un matériau
traditionnel de la région et de l’Europe du Nord, sa mise en œuvre dans ce
contexte est originale et audacieuse. Elles seront spécialement fabriquées
pour la villa.
Mallet-Stevens apporte un grand soin aux matériaux
intérieurs, à l’image de ceux du palais Stoclet, Paul Cavrois suit
attentivement le chantier et son évolution économique.
Les proportions de la Villa Cavrois sont imposantes – près de 60 mètres de
long, 3 800 m2 de surface de planchers dont près de 1 800 m2 de pièces
habitables et 830 m2 de terrasses – organisées selon les principes d’axialité
et de symétrie des châteaux du XVIIe siècle.
La villa et son parc s’inscrivent dans une organisation
spatiale très contrôlée, qui correspond à un important travail sur les
proportions, et qui aboutit à la définition d’un « tracé régulateur. » En
effet, les dimensions d’une plaquette de brique jaune extérieure constituent
les mesures de référence de toute la villa (hauteur / largeur / longueur). La
mise en œuvre de ces briques de parement obéit à un protocole rigoureux : les
joints horizontaux sont peints en noir, les joints verticaux sont traités de
manière à ne pas être visibles.
La villa est achevée pour le mariage de Geneviève (photo ci-dessous), la fille
de Jean Cavrois, qui a lieu le 5 juillet 1932, occasion unique de l'inaugurer.
Elle
concentre toutes les technologies avancées de l’époque et constitue un choc
esthétique, dont les effets sont encore perceptibles. Elle représente la
création la plus aboutie de Mallet-Stevens, reposant sur la grande confiance
que lui avait accordée son commanditaire.
Le concept de la villa est en soi
passionnant car il s’agit d’une œuvre de transition entre l’architecture
résidentielle traditionnelle et l’architecture moderne véhiculée par l'Union
des Artistes Modernes (UAM).
Ci-dessus : l'entrée de la 3ème exposition de l'Union des
Artistes modernes en 1932, l'année de la livraison de la Villa Cavrois (Négatif plaque de verre - Les Arts Décoratifs,
photothèque, Paris)
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