Document de visite l'histoire du mobilier

Des fauteuils du hall-salon à la coiffeuse du boudoir, laissez-vous porter par l’histoire et le design du mobilier de la villa. Retrouvés, pour la majorité, ou restitués à l’identique pour quelques exceptions, les meubles exposés témoignent d’un destin inédit à (re)découvrir au fil du parcours de visite...


Début des années 2000. La Villa Cavrois, pourtant classée au titre des monuments historiques, n’a plus très fière allure. Dépouillée de ses décors, vidée de tout ce qu’elle incarnait, elle périclite et sombre.


De nouvelles perspectives surviennent en 2001, lors de son rachat par l'État. La décision est alors unanime : redonner à cette ruine sa splendeur d’antan et plus particulièrement l'état originel qu'elle arborait en 1932, année de livraison à la famille Cavrois. Manifeste d’un nouvel art de vivre, la villa est en effet l’aboutissement de réflexions longtemps explorées par l’Union des Artistes Modernes, dont Robert Mallet- Stevens faisait lui-même partie. Construite selon l’idée d’une œuvre totale, dans laquelle bâti, mobilier et environnement ne font qu’un, la villa est une entité indissociable de tout ce qui la compose et l’entoure. En ce sens, il était résolument exclu dans le projet global de restauration des espaces et du parc, de ne pas suivre une politique d’acquisition raisonnée des pièces de mobilier, pour la plupart dispersées en 1987.


Lancé dès 2009, le projet de remeublement fut pour le moins difficile. Face à la rareté des archives - l’architecte ayant souhaité les faire détruire à sa mort -, l’inventaire des collections ne put se dresser qu’à partir de peu de ressources existantes : des sources imprimées et deux campagnes photographiques de 1932 et 1986. Débute enfin un long travail de recherches auprès des maisons de vente et des galeristes, pour cibler et localiser ces meubles disséminés en mains privées. Grâce au soutien de la Fondation du Patrimoine, de l'Association des Amis de la Villa Cavrois, le Centre des monuments nationaux fit l’acquisition, au fil des années, de quelques collections parla préemption en vente publique ou par des enchères à l’étranger. C’était sans compter sur les nombreux donateurs - passionnés de design ou descendants de la famille - qui, convaincus de l'intérêt patrimonial de ces pièces de mobilier, leur ont redonné leur place d’origine.

Aujourd’hui, se pose la question de leur classement au titre des monuments historiques par la DRAC Nord-Pas-de-Calais- Picardie. Engager une telle réflexion est révélateur d'une certaine prise de conscience, celle de s'inscrire dans la démarche de l’architecte en attribuant au mobilier la même valeur que le bâti. Ce serait surtout un moment charnière dans la reconnaissance de Robert Mallet-Stevens en tant que designer.

À l’occasion de la restitution de la table de la salle à manger des parents, la Villa Cavrois vous propose un parcours inédit autour de son remeublement de 2019 à aujourd'hui. Déjà visible dans la plupart des espaces mais loin d’être achevé, ce travail à la fois d’enquêtes, d’acquisitions et de restitutions des meubles témoigne de l'effort mené par le Centre des monuments nationaux pour saisir l’âme de la villa.

Que ce soit dans le détail de ses formes, le choix de ses matériaux ou le dialogue avec l’espace, le mobilier entièrement dessiné par Robert Mallet-Stevens - à l’exception de l’ensemble Marcel Breuer dans la salle de jeux ou des luminaires d’André Salomon - participe au déploiement d’une ambiance totalement différente d’une pièce à une autre.

Il faudrait également citer l’apport de Pierre Barbe, architecte sollicité par la famille dans les années 1950 pour établir quelques changements au sein de la villa notamment sur le mobilier. L’évolution familiale au sortir de la Seconde Guerre mondiale pousse en effet les propriétaires à cloisonner les espaces et réadapter certains meubles : la table de la salle à manger des parents, initialement de forme rectangulaire en poirier laqué fut justement transformée à cette période et devint une table ronde pouvant accueillir quatre rallonges et un plateau en noyer blanc.

Le parti-pris, quant au projet de restauration de la villa, était de restituer uniquement le mobilier fixé aux murs, disparu lors de l’abandon du site, et de s’attacher à retrouver les

pièces uniques du mobilier meublant dispersées. Définitivement dénaturée, la table a fait l’objet d’une restitution - faisant ainsi exception à la règle initiale - grâce au généreux mécénat de la Fondation d'entreprise AG2R LA MONDIALE pour la vitalité artistique.

Menuisiers experts dans le domaine patrimonial, ce sont aux Ateliers de la Chapelle que furent confiées la commande et la lourde tâche de créer une parfaite réplique, sans emploi de techniques anachroniques.

Selon un cahier des charges très précis et dans un souci perpétuel d’authenticité, la création de la table s'appuya sur une étude photogrammétrique poussée pour retrouver ses proportions passées. Aujourd’hui neuve mais à l’image de ce qu’elle était jadis, la table retrouve sa place d’origine, trônante au centre de la pièce et reflétant, comme au premier jour, les veines du marbre vert de Suède.



Le panneau explicatif



Table

Numéro d'inventaire : (sans numéro)

Datation : 2022

Dimensions : ha 75,5 / la 300 / pr 139,5

Matériaux : chêne, poirier noirci vernis (placage)

Auteur : Robert Mallet-Stevens

Date d'acquisition : 07/02/2022

Mode d'acquisition : commande


[SANS NUMÉRO]


Massive par son volume, centrale par sa position, la table de la salle à manger incarne l'identité de la pièce.


Réalisée en panneaux plaqués de poirier noirci et laqué, la table s'associe aux différents buffets attenants aux murs et joue sur les reflets pour agrandir l'espace. Tandis que les poignées chromées reflètent la lumière et le miroir invite ceux assis de dos à admirer le jardin, la table, elle, ouvre le regard sur le volume de la pièce. Ses lignes sont d'ailleurs en totale adéquation avec la fonction que lui a attribuée l'architecte. 


Le plateau suit le prolongement des circulations venant de la porte à galandage du hall- salon - pour accueillir les convives. Et perpendiculaires au cadre, les pieds sont axés vers le jardin, peut-être comme une invitation à s'y perdre même assis.


Dans cette même logique de placage visible sur tous les meubles fixés au mur, les Ateliers de la Chapelle, en charge de la fabrication à l'identique, ont eu recours à la technique du latté.


Distinct du contreplaqué, le latté désigne un panneau constitué de lattes de bois, disposées sur chant et collées entre elles. Ici, le latté est produit à base de chêne et doublement plaqué pour une meilleure finition.


Les techniques d'assemblage d'époque ont été évidemment respectées, dans un souci permanent d'authenticité.


L'ensemble est d'ailleurs complété par 9 chaises en cuir rachetées aux enchères en décembre 2018 à Paris, lors de la vente publique Ader et Nordmann.


La table de la salle à manger parentale a été restituée grâce au mécénat de la Fondation d'entreprise AG2R LA MONDIALE pour la vitalité artistique