LA MAISON DE PAUL CAVROIS A CROIX (ROUBAIX)
ROB. MALLET-STEVENS, ARCHITECTE, 1932
Ce qui est intéressant dans cette construction, ce
sont :
1° le grand confort obtenu, grâce aux derniers perfectionnements de la technique moderne
2° le prix de revient extrêmement bas de l'ensemble
3° le fait que maison, jardin, décoration et meubles sont l'œuvre d'une même personne. On peut donc résumer en trois mots les caractéristiques principales de cette maison: nouveauté, économie, unité.
1° le grand confort obtenu, grâce aux derniers perfectionnements de la technique moderne
2° le prix de revient extrêmement bas de l'ensemble
3° le fait que maison, jardin, décoration et meubles sont l'œuvre d'une même personne. On peut donc résumer en trois mots les caractéristiques principales de cette maison: nouveauté, économie, unité.
Le programme était relativement simple : édifier une
habitation pour une famille de 9 personnes sans les domestiques. Avoir pour un
prix peu élevé le maximum de confort.
Le vrai luxe ne consiste plus à surcharger les murs de
tapisseries dorées, à voiler les fenêtres de rideaux épais, à posséder une
armée de serviteurs entretenant des feux, courant pour venir aux ordres, se
déplaçant en tous sens pour un service difficile et compliqué. Le vrai luxe,
c'est vivre dans un cadre lumineux et gai, largement aéré, bien chauffé, le
moins de gestes inutiles, le minimum de serviteurs.
C'est ainsi que dans la maison de Monsieur Cavrois, les baies métalliques à guillotines se manœuvrant de l'intérieur par manivelles sont très grandes, laissant entrer à flot l'air et la lumière ;
l'éclairage électrique est presque partout indirect donnant le
maximum d'éclairement pour le minimum de fatigue des yeux ; le téléphone est
dans toutes les pièces, évitant les allées et venues inutiles ;
l'heure est
distribuée électriquement dans tous les locaux ;
des hauts parleurs de T. S. F.
sont également encastrés dans toutes les pièces de l'habitation ; balances,
baromètres sont encastrés dans les salles de bains ;
trois robinets versent
l'eau chaude, l'eau froide et l'eau adoucie (sans calcaire).
C'est ainsi que dans la maison de Monsieur Cavrois, les baies métalliques à guillotines se manœuvrant de l'intérieur par manivelles sont très grandes, laissant entrer à flot l'air et la lumière ;
Bien entendu, la glacière, l'ascenseur, le monte-plats des
terrasses, les appareils de la buanderie sont électriques.
Tous les coupes-circuits de la maison entière sont montés sur un seul tableau dans une pièce spéciale où sont placées également les piles du téléphone d'intercommunication. Les meubles des cuisines, office, lingerie sont en acier ; le fourneau est au gaz, le chauffage au mazout commandé par thermostat.
La glacière dans la cuisine de la Villa Cavrois. Photos de 1932.
Tous les coupes-circuits de la maison entière sont montés sur un seul tableau dans une pièce spéciale où sont placées également les piles du téléphone d'intercommunication. Les meubles des cuisines, office, lingerie sont en acier ; le fourneau est au gaz, le chauffage au mazout commandé par thermostat.
Le fourneau de la cuisine est au gaz
Est-ce là du luxe ?
Oui et non. Avoir une salle de bains, une douche près de sa chambre, un appareil d'éclairage dans le mur pour lire au lit, un store en bois commandé de l'intérieur pour voiler sa fenêtre, une seule clé ouvrant des dizaines de serrures, ne seront bientôt plus " un luxe " comme on l'entend aujourd'hui.
Dans un avenir proche, il faut le
souhaiter, les autorisations de bâtir seront refusées à quiconque aura oublié
la salle de bains. De nos jours, les chutes de W.-C. sont taxées ! Le sens du
confort viendra vite quand nos législateurs auront compris que l'hygiène pour
un peuple peut présenter quelque intérêt.
Oui et non. Avoir une salle de bains, une douche près de sa chambre, un appareil d'éclairage dans le mur pour lire au lit, un store en bois commandé de l'intérieur pour voiler sa fenêtre, une seule clé ouvrant des dizaines de serrures, ne seront bientôt plus " un luxe " comme on l'entend aujourd'hui.
La salle de bains des parents juxtaposée à leur chambre
Mais tous ces perfectionnements, toutes ces inventions du
bâtiment ne seraient que peu de choses si le plan de la maison ne les utilisait
pas pour en tirer le maximum. Et c'est alors, qu'il faut jeter un coup d'œil
sur les plans de Mallet-Stevens ; depuis les caves on sent l'ordre qui a présidé
à la mise en place de chaque élément.
L'ascenseur par exemple, descend au sous-sol pour établir
une communication directe entre la maison et le garage particulier, disposé en
bas et auquel on accède par une rampe.
Au rez-de-chaussée, une lampe témoin
rouge indique tout de suite si les caves sont éteintes ou non. Le monte-plats
dessert chaque étage et la terrasse supérieure. Bien entendu, la maison entière
est couverte en terrasses. On a partout l'impression que tout a été prévu pour
éviter des pas inutiles. La " circulation " est très étudiée.
L'agrément du " home " ne fut pas non plus négligé. En voici quelques
exemples : de chaque lit on peut écouter la T. S. F. ou l'interrompre à volonté.
La salle de jeux des enfants peut aisément se transformer en salle de petit
théâtre ; la balustrade de la partie haute, formant scène, est mobile, un rail
disposé dans l'appareil d'éclairage qui barre le fond de la pièce peut soutenir
un rideau, les prises de courant sont prévues pour alimenter une rampe et des
projecteurs.
Un grand bassin de natation de 27 mètres de long peut être coupée à 25
mètres permettant toutes les compétitions de natation : 2 plongeoirs en béton
armé, 2 m 80 de fond d'eau.
Toute la maison est nourrie par le potager, toute
la maison est fleurie par le jardin, serres et carrés de fleurs,
chaque carré fleurissant à une époque différente de l'année.
Un grand miroir
d'eau (30 centimètres de fond) reflète la maison l'été et sert de patinoire
l'hiver (longueur : 72 mètres).
A gauche, photo de la cabine d'ascenseur de Jean Prouvé, en 1986, au décès de madame Lucie Cavrois-Vanoutryve © Kandinsky et à droite, en 2016, après restauration, et mise aux normes handicapés (PMR).
La salle de jeux des enfants
Le bassin de natation avec ses plongeoirs
Potager, serres et massif des fleurs coupées
Le miroir d'eau
Quant à la construction, le bâtiment est établi sur un
radier en béton armé, le dessous étant drainé. L'ossature est en béton armé,
les murs en briques pleines vers l'extérieur et briques creuses vers
l'intérieur. Les briques que l'on voit sur les photos sont des plaquettes de
mêmes dimensions appliquées sur les briques pleines et le béton. Aucune de ces
plaquettes n'est coupée. Toutes les saillies, tous les décrochements, tous les
plans, toutes les baies sont un multiple de plaquettes, en hauteur et en
largeur si bien que tous les joints tombent juste. Les milliers de plaquettes
formant le revêtement étaient numérotées sur les dessins d'exécution. Et cette
perfection dans l'exécution est peut-être un luxe mais il faut l'avouer, le
résultat récompense la minutie d'un tel travail.
26 briquettes différentes, comme les lettres de l'alphabet
Quelques détails : la tuyauterie de mazout est en cuivre,
celle du chauffage central en fer, celle de l'eau froide en plomb, celle de
l'eau chaude en cuivre.
Certaines pièces, désirées très insonores, sont doublées en béton cellulaire. Tous les buis employés pour la décoration intérieure sont des bois ordinaires : chêne, sycomore, poirier, tobasco, noyer (sauf la chambre à coucher des maîtres qui est en palmier).
Les cache-radiateurs, les béquilles, les plaques de propreté, les robinets, les tuyaux apparents, les pênes de serrures, les rails des rideaux etc., sont pour la plupart en cuivre chromé, quelques-uns sont en aluminium poli.
Certaines pièces, désirées très insonores, sont doublées en béton cellulaire. Tous les buis employés pour la décoration intérieure sont des bois ordinaires : chêne, sycomore, poirier, tobasco, noyer (sauf la chambre à coucher des maîtres qui est en palmier).
Les cache-radiateurs, les béquilles, les plaques de propreté, les robinets, les tuyaux apparents, les pênes de serrures, les rails des rideaux etc., sont pour la plupart en cuivre chromé, quelques-uns sont en aluminium poli.
De très nombreuses armoires sont encastrées dans les murs
permettant d'avoir partout sous la main le linge, les vêtements, les ustensiles
de ménage, etc.
Tous les parquets sont en mosaïque de bois afin d'éviter les
joints creux. Toutes les caves sont carrelées.
Des prises de courant permettent le nettoyage par le vide de
tous les locaux.
La buanderie, avec séchoir, machine à laver, essoreuse, callendreuse, etc., est disposée pour laver tout le linge de la maison.
Est-il utile de signaler pour terminer : que la maison est
orientée vers le sud et que toutes les pièces sont au midi sauf bien entendu :
la cuisine, la lingerie, les débarras, offices, dégagements, etc ?
Il y a lieu, nous pensons, de féliciter l'architecte pour la
réalisation d'une œuvre aussi complète mais aussi son client qui a
" osé ". Car bien souvent certains architectes réaliseraient des œuvres
de premier plan comme celle que nous venons de décrire brièvement, si leur
client les y autorisait. La collaboration " architecte-client " est
indispensable ; on voit que lorsque celle-ci est complète et dirigée dans le bon
sens, le résultat est excellent.
Document collection privée © Amis de la Villa Cavrois
L'INSTALLATION ELECTRIQUE
L'installation conçue par Mallet-Stevens dans la propriété
de Monsieur Cavrois à Croix, constitue, tant par son ampleur, que par la multiplicité des
dispositifs adoptés, une des applications les plus complètes de la technique
électrique à la décoration et aux usages domestiques.
PRINCIPE DE L'INSTALLATION ÉLECTRIQUE
Tous les circuits lumière et force aboutissent à un tableau
unique portant les coupe-circuits calibrés, les différents télérupteurs,
distributeurs et appareils de contrôle. Ce tableau réalisé en bakélite noire,
est prévu avec charnières permettant une visite facile de toutes les
connexions. L'alimentation peut être effectuée, soit par le secteur, soit par
un groupe de secours avec inverseurs permettant le passage de l'un à l'autre.
De ce tableau partent les différents circuits qui
aboutissent à des boîtes de visite placées dans les différentes pièces.
Les lignes provenant des ouvrages lumineux, les circuits
d'interrupteurs et de prises de courant, aboutissent également à ces boîtes de
visite où ont été exécutées toutes les connexions secondaires. On a pu ainsi
réaliser toute l'installation sans aucune épissure. Les canalisations dans les
tubes d'acier généralement posées sur le sol avant la mise en place des
parquets, ont été passées entièrement par aiguillage à la fin de
l'installation, et il est extrêmement facile de remplacer un fil quelconque
malgré l'encastrement des tubes. Ou se rend facilement compte des avantages de
cette méthode de montage pour la sécurité de l'installation sur celle qui
consiste à établir de nombreuses dérivations sur les lignes même dans des
boîtes de connexions. Tous les circuits des autres applications que l'éclairage
(pendules, T. S. F.), ont été exécutés de la même façon.
ÉCLAIRAGE
L'éclairage de chaque pièce a fait l'objet d'une étude
particulière en liaison avec le projet de décoration. On trouve, toutefois dans
l'ensemble des dispositifs adoptés, des caractéristiques communes qui peuvent
se résumer comme suit :
Les principaux ouvrages utilisent en général le principe de
l'éclairage indirect localisé, et des surfaces de brillance constante.
Celles-ci se composent le plus souvent de bandes cylindriques de section
circulaire avec lampes placées, soit au centre du cercle, soit sur une
génératrice du cylindre (la brillance de la surface étant ainsi sensiblement
uniforme, ainsi que nous l'avons démontré d'autre part). Les dimensions des éléments
cylindriques, leur rayon de courbure, le nombre des cylindres éclairés varient
dans les différentes pièces suivant l'éclairement à obtenir et les proportions
à respecter conformément au désir de l'architecte.
Le choix de Mallet-Stevens
et le nôtre se sont fixés sur ces dispositifs qui utilisent en général la
presque totalité du flux des lampes évitant ainsi les consommations exagérées
et qui permettent d'obtenir des surfaces d'une brillance suffisante pour créer
une atmosphère gaie et agréable.
Dans certaines pièces, d'autres procédés ont été employés,
par exemple dans l'une d'elles le nouveau " Tigralite " à 360° de Jean
Dourgnon éclairant une surface circulaire blanche au plafond.
Dans les pièces annexes, les appareils utilisés sont des
diffuseurs (en général des boules opalines).
Tigralite et boule en opaline dans la chambre de jeune homme
Nous avons résumé dans le tableau ci-dessus les principales
caractéristiques des ouvrages de l'installation.
TÉLÉPHONE
Un réseau extrêmement complet de 19 postes
d'inter-communication de la Compagnie des Téléphones Thomson-Houston assure une
liaison complète entre toutes les pièces entre elles et avec la ville, et
économise ainsi tous les déplacements inutiles du personnel domestique. Ainsi
que l'a voulu Mallet-Stevens, cette disposition crée une petite révolution dans
les usages domestiques : pourquoi, en effet, appeler par une sonnerie, pour
expliquer ce que l'on désire, et provoquer ainsi 2 déplacements au lieu d'un,
alors qu'il est infiniment plus simple de donner les ordres par téléphone,
ainsi qu'il est d'usage courant dans les bureaux.
En application de ce principe, l'installation sonnerie a été
par contre, extrêmement simplifiée, et comporte simplement 1 bouton à chacune
des portes d'entrée, et 1 à la salle à manger.
T.S.F.
Pour une des premières fois, croyons-nous, il a été prévu en
même temps que la construction, tout un réseau de canalisations destiné à être
relié à 9 hauts-parleurs placés dans les différentes pièces, ceux-ci étant
alimentés par un poste unique de T. S. F. ou de phonographe électrique placé
dans le hall. Le schéma est complété par une série de rhéostats et
d'interrupteurs qui permettent à chacun des usagers, soit de régler le volume
du son, soit de mettre en circuit ou hors circuit le haut-parleur dans la pièce
correspondante. De plus, il est possible à la personne qui, la dernière utilise
le réseau, d'arrêter de sa chambre le poste central.
Dans le grand hall, il est prévu 3 hauts-parleurs avec un
dispositif stéréo-acoustique de M. Gamson et Solima permettant par le jeu de
filtres la spécialisation de chacun des hauts-parleurs dans une gamme de
fréquences, et de réaliser ainsi dans cette grande pièce un véritable
orchestre.
PENDULES ÉLECTRIQUES
Un réseau de 20 pendules électriques Garnier avec
pendule-mère dans l'office, distribue l'heure dans les différentes pièces. La
majeure partie des pendules sont encastrées dans les murs, ainsi que les
canalisations.
Monte-plats et horloge mère électrique, en 2015 après restauration (photo de gauche) et en 1932 (photo de droite)
APPLICATIONS ÉLECTRIQUES DIVERSES
De nombreux appareils domestiques sont également en service
dans cette propriété : moteurs d'ascenseurs et monte-plats, moteur des pompes
élévatrices d'eau, alimentation des brûleurs à mazout, machines à laver et à
repasser, appareil frigorifique, chauffe-peignoir électrique, moteurs
d'ascenseurs, etc..., constituant ainsi un ensemble vraiment moderne qui
facilite grandement la tâche du personnel employé dans cette vaste propriété.
LE CHAUFFAGE AU MAZOUT
Le chauffage par le mazout de l'immeuble de Monsieur Cavrois est
assuré par les brûleurs " Quiet May " de la Société " Chaleur et froid ", 32 avenue Rapp à Paris.
Les conditions requises de confort, de propreté, de moindre
gêne imposaient la parfaite automaticité de l'installation.
La séparation du circuit principal de chauffage et du
service d'eau chaude a conduit à l'emploi de deux chaudières équipées chacune
d'un brûleur " Quiet May " du type approprié.
Brûleur entièrement automatique, gouverné par un contrôle
triple : thermostat d'appartement, plus deux organes de sécurité convenablement
enclenchés.
Pulvérisation mécanique de l'huile sous haute pression :
parfaite atomisation, combustion sans déchets, ni défauts d'allumage.
" Bien conçus, bien construits, bien installés ",
900 brûleurs fonctionnent en France.
L'installation de ces brûleurs a été confiée par la Société
" Chaleur et Froid ", aux Etablissements Beuque et Maillard, ses agents
pour la région du Nord.
Les deux chaudières visibles actuellement dans la Villa Cavrois (cliché de droite de 2015) ne sont pas celles d'origine (cliché de gauche de 1932)
QUELQUES COLLABORATEURS
Léon PLANQUART. - 222, Grande Rue à Roubaix.
Etabl. SULZER. - 7, avenue de la République à Paris.
CHALEUR ET FROID. - 32, avenue Rapp, à Paris. Agents à
Roubaix: F. Beuque et G. Maillard, 57, bld de Montesquieu.
Louis ALLARD Fils. - 24, rue Notre-Dame à Roubaix.
Anciens Etabl. ANCONETTI. - 19, rue Corbeau à Paris.
Charles BLANC. - 42 et 42 bis, boulevard Richard-Lenoir à
Paris.
Georges MOSER et Cie, Jardins. - 5, rue St.Symphorien,
Versailles.
CIE DES TÉLÉPHONES THOMSON-HOUSTON. - 251, rue de Vaugirard, Paris.