Un article d'Angélique Da Silva-Dubuis, paru dans Nord Eclair, le samedi 15 juillet 2017
C’est un immense atelier que l’on ne soupçonne pas derrière
cette façade du centre-ville de Roncq. Un trésor. Les Manufactures Catry,
fabricant de moquette haut de gamme depuis 1912, incarnent l’excellence
française dans l’univers de la décoration. Combien de mains ont parcouru ces
métiers à tisser à travers les époques ? À chacun sa partition. Sa puissance organique
dans le mariage des fils. Une musique que Vincent connaît bien. Il a été
embauché comme apprenti à l’âge de 16 ans. C’était en 1987. Trente ans de
maison. « J’ai tout appris sur le tas.
Je connais tous les métiers à tisser. » Des grandes dames qu’il faut souvent
ménager et parfois bousculer un peu. « On ne trouve plus les pièces de rechange
donc on les fabrique nous-mêmes dans notre petite forge. »
Pour Vincent, le travail est avant tout une affaire de
passion: « Sans la passion on ne fait rien. On pourrait croire que c’est un
boulot répétitif mais pas du tout. Chaque tapis est différent. » Aujourd’hui, il réalise un motif tigre pour
un client new-yorkais. Il travaille debout et à l’œil sur tout. L’entreprise
propose des milliers de dessins dans son catalogue avec de grandes signatures à
l’image des Feuilles de bananier de Madeleine Castaing, célèbre décoratrice des
années 30.
Une technique du XVIIe siècle
En laine ou en soie, pour les modèles les plus luxueux, les
fils sont tissés sur un dossier de jute. «
Il faut parfois jusqu’à 2 000 bobines de fil pour réaliser un
jacquard. » Le tissage Wilton est la
marque de fabrique de l’entreprise. Le tissage du velours de laine et de la
trame en coton se fait en une seule pièce selon un procédé né au XVIIe siècle.
Gage de qualité et de moelleux sous le pied.
Les créations des Manufactures Catry font le tour du monde.
Une fierté pour Vincent et ses collègues. «
Quand on reçoit les photos des endroits où nos tapis ont été posés, on
est comme des gosses ! Dernièrement, c’était pour un magnifique bateau. » L’entreprise emploie vingt salariés et
vient d’embaucher deux jeunes de 21 et 23 ans. Richard et Frédéric, apprennent
le métier sous l’aile de Julien, un ancien apprenti lui aussi. Plus aucune
école ne forme à ce métier. Une jeune génération bien décidée à assurer la
relève en faisant la promotion de cet artisanat sur les réseaux sociaux. Une
façon de perpétuer ce patrimoine vivant qui réjouit Éric Catry arrivé dans
l’entreprise sur le tard, à l’âge de 45 ans.
Il a appris à marcher dans l’atelier familial avant
d’entamer une belle carrière dans la musique. Fan de rock, il a d’abord été
disquaire avant de travailler pour un label. Éric Catry a rejoint l’aventure
familiale il y a trois ans. Il gère la production et sa sœur, Caroline, la
partie commerciale. Tous deux suivent le sillage du père Hervé Catry qui
continue d’arpenter l’usine chaque matin, le sourcil aux aguets. « J’ai la chance de perpétuer un savoir-faire
et l’histoire familiale, confie son fils au milieu des immenses guitares en
laine. C’est une forme d’hommage aussi. Sans tout ça, je n’aurais pas eu la
chance de faire des études et de vivre mes passions... »
Une chance mais une responsabilité aussi pour cette
quatrième génération face à la concurrence chinoise notamment, à la difficulté
de trouver les matières premières et les derniers artisans capables de teindre
la laine : « Si nous sommes amenés à disparaître, c’est tout un savoir-faire
qui s’éteindra. »
De l’Académie française aux grands hôtels
L’atelier produit entre 30 et 35 000 mètres de moquette par
an pour des lieux prestigieux. De la salle de bain de la Villa Cavrois aux
tapis de l’Académie française en passant par le restaurant parisien du chef
Pierre Gagnaire.
Après Lille, l’entreprise a ouvert récemment un showroom à Londres où elle espère conquérir le marché dans un pays où l’art du tapis fait partie de l’ADN anglais. Les Manufactures Catry viennent de se voir confier le chantier de trois grands hôtels parisiens et sont régulièrement sollicitées par des designers de renom, à l’image de François-Joseph Graf ou Pierre Frey.
Après Lille, l’entreprise a ouvert récemment un showroom à Londres où elle espère conquérir le marché dans un pays où l’art du tapis fait partie de l’ADN anglais. Les Manufactures Catry viennent de se voir confier le chantier de trois grands hôtels parisiens et sont régulièrement sollicitées par des designers de renom, à l’image de François-Joseph Graf ou Pierre Frey.