La société « Cavrois-Mahieu & Fils » est créée en 1887 par deux fils
de la bourgeoisie roubaisienne : Jean Cavrois-Lagache et Auguste Cavrois. L'établissement situé rue Montgolfier à Roubaix, ne comprend à ses débuts
qu'une filature de 12 000 broches, qui par suite d'augmentations successives a
vu presque doubler son nombre de broches à filer, complété par un retordage de
8 000 broches. Cet ensemble fabrique
tous genres de fils de laine. Autour de l’imposante usine, c’est, à cette époque, tout un quartier qui se construit puis se développe. Progressivement sont installés un tissage mécanique (1892)
et une teinturerie sur laine peignée (1899) assurant à cet ensemble,
l'exclusivité des nuances employées dans la filature et le tissage. La
fabrication des tissus était uniquement destinée à l'habillement
homme-femme-enfant.
En 1910, les deux principaux actionnaires intègrent leur
fils aînés respectifs, Maurice Cavrois-Motte et Jean Cavrois-Vanoutryve. En 1912, l'entreprise acquiert à Louviers (Eure), un
bâtiment et des terrains sur lesquels elle construit une unité de foulage,
teinture et apprêts de pièces de tissus. A la veille de la Première Guerre mondiale, la filature de
laine et tissage Cavrois-Mahieu emploie 520 personnes, dispose de 16 800 broches
et produit environ 600 000 kg de laine. Entre 1914 et 1918, l'entreprise interrompt son activité.
Elle a d'ailleurs subi d'importants dégâts dans ses ateliers et déplorera la
disparition de Jean-Cavrois-Vanoutryve.
L'établissement retrouve son niveau de production grâce aux
efforts de Paul Cavrois entré en 1919. Il contribue au développement et à la
croissance de l'entreprise dont l'apogée se situera dans les années 1950. En 1928, Paul Cavrois rachète les parts de la branche
d'Auguste et en 1933, l'acquisition de locaux, rue Claude Lorrain à Roubaix,
lui permet de développer une activité de fabrication et de négoce de fils à
tricoter main, dont l’enseigne est un petit chien, sous la marque Camafi. Cette unité sera confiée à
Jean Cavrois-Valentin jusqu'en 1955.
En 1935, Paul Cavrois-Vanoutryve, prend véritablement la
direction de l'entreprise. Ses fils intègrent l'entreprise, en prenant chacun
la tête d'un rayon : Jean à la filature, Michel à la teinturerie, Francis au tissage et Paul aux apprêts à Louviers : teinture sur pièces.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le siège social de
l'usine est transféré à Louviers. La production est ralentie pendant toute la
durée de la guerre. En 1946, Paul Cavrois donne une nouvelle structure à son
ensemble d'activités en créant différents établissements juridiquement et
financièrement autonomes : Cavrois-Mahieu et
Fils (CMF) avec pour vocation le négoce de fils industriels et de tissus. SARL Les Fils de
Jean Cavrois (FJC), entreprise façonnière en teinture filature et tissage. SARL "Usine
de La Motte" (ULM), façonnerie en teinture et apprêts sur pièces de
tissus, implantée à Louviers.
En 1965, à la disparition de Paul Cavrois-Vanoutryve, Jean
Cavrois-Valentin est nommé président directeur général de Cavrois-Mahieu Fils ;
il prend la direction du groupe. En 1967, une opportunité se présente de reprendre la
filature Valentin-Roussel à Tourcoing, place de la Victoire. Celle-ci faisait
faire sa teinture sur peigné par la société Les Fils de Jean Cavrois. En 1976, Francis Cavrois est nommé président directeur
général à la place de son frère Paul. La société "Usine de La Motte"
survivra difficilement à l'arrêt du tissage à Roubaix, le marché continuant à
se dégrader avec la perte de clients. Elle fermera ses portes en 1985. En 1987, Francis Cavrois cède la place à Olivier
Cavrois (le fils de Jean) qui était à la tête de l'activité filature depuis 1976. L'excellente
conjoncture de 1985 ne se renouvellera pas et la crise frappe Cavrois-Mahieu à
partir de 1986. Une restructuration est effectuée en 1989 et 1991 (équipe
d'encadrement, de fabrication et de l'équipe commerciale).
La filature Valentin-Roussel arrête également son activité
et est dissoute ; le réseau commercial fusionne avec Cavrois-Mahieu et Fils. La société "Les Fils de Jean Cavrois" devient
société immobilière et cède son matériel industriel à Cavrois-Mahieu. La
société Cavrois-Mahieu redevient une société industrielle et commerciale ayant
pour objet la fabrication et la vente de fils bonneterie. Elle exercera son
activité dans les locaux loués à la société "Les Fils de Jean
Cavrois". Les mesures ne permettent pas de redresser l'entreprise. Le
bilan est déposé en 1991, la fermeture a lieu en 1996. A cette date, Monsieur
Luc Debue, ancien directeur financier et liquidateur de la Maison
Cavrois-Mahieu crée la filature de la Potennerie, après rachat de la société
immobilière.
En 1928 La société des filatures Auguste Cavrois et fils, déjà implantée
boulevard Industriel (avenue Roger Salengro), demande l’autorisation de
construire un bâtiment « à usage de Bonneterie » à côté de la filature
de Maufait, dont le propriétaire est également Auguste Cavrois.
L’architecte est le cabinet Sergent et Maury, de Lille. Le plan prévoit
un quai latéral élevé de 1m10, sans doute pour le déchargement de wagons
provenant de la voie implantée dans l’axe du boulevard industriel. On
distingue sur le plan un lotissement d’habitations situé devant l’usine
et un autre bâtiment prévu le long du premier ; cette partie du projet
ne sera pas réalisée.
Le bâtiment de la bonneterie est de taille relativement modeste, et
nécessitera assez vite diverses extensions. Dès 1936 l’entreprise
demande un agrandissement des bureaux et l’ajout d’un étage, prévu sur
le plan d’origine, mais non encore réalisé ; en 1946 elle fait une autre
demande pour l’agrandissement des locaux sur les trois étages, désirant
installer des vestiaires et des ateliers de mécanique.
Au plus fort de son activité (années 1950/60), elle compte 1200
salariés, qui animent le quartier aux heures d’entrées et sorties : par
la rue Volta pour les ouvriers, par la rue Montgolfier pour les employés
et les patrons. Après avoir été une entreprise de pointe (avec notamment le lancement, en 1968 et 1975, de fibres synthétiques pour la bonneterie), elle arrête définitivement son activité en 2000.
Le site a été entièrement requalifié en « hôtel d’entreprises », regroupant des
activités diverses. Il conserve néanmoins de multiples éléments
patrimoniaux remarquables : les deux cheminées voisines, la chaufferie,
des ateliers, les bureaux, qui en font un fleuron de la mémoire
collective roubaisienne.
La bonneterie mène une existence
relativement durable, puisqu’elle figure au Ravet-Anceau jusqu’en 1974.
Mais finalement, la crise du textile a raison d’elle : en 1977,
s’installent au 135 les établissements J. Defrenne et Cie, entreprise de
tissage et draperies. Implantation éphémère, puisqu’elle est rapidement
remplacée à son tour. On trouve à cette adresse en 1979 la S.A.R.L Imex
F.B , Import-Export, qui prend le nom d’Artimex, en 1981. Cette société
toujours présente à cette adresse, partage ses locaux et accueille en
1983 la Halle aux Chaussures. En 1984, la société Gel 2000 vient se
joindre aux deux autres dans l’ancienne bonneterie.
Les locaux sont finalement rénovés
complètement et offerts en location, mais, suscitant apparemment peu
d’intérêt pour les entrepreneurs, ils restent depuis de nombreuses
années vides, en attente de locataires.